La préposition

 > Page pers.     Ludo Melis,
(09-2017)
(revu et corrigé 09-2023)

Pour citer cette notice:
Melis (L.), 2017, "La préposition", in Encyclopédie grammaticale du français,
en ligne: encyclogram.fr

 


1. Découpage du domaine



1.1. Définition et délimitation.

Le terme de préposition renvoie à une partie du discours ou classe, respectivement catégorie, de mots, caractérisée, selon la tradition grammaticale, par trois propriétés syntaxiques fondamentales : (a) la préposition est invariable et (b) elle a un complément avec lequel elle forme (c) un groupe prépositionnel qu’elle intègre dans une structure englobante. Ces propriétés syntaxiques, en particulier les deux dernières, trouvent leur pendant sur le plan sémantique dans la caractérisation de la préposition comme expression d’une relation ou d’un rapport entre le complément et l’ensemble intégrant.

Cette définition convient aux usages typiques et majoritaires des unités lexicales qualifiées de préposition, mais elle ne permet ni de délimiter avec précision la catégorie des prépositions ni de couvrir l’ensemble des emplois. Si l’invariabilité est une propriété constante, elle n’est pas spécifique, puisqu’elle est partagée par les adverbes, les coordonnants et les subordonnants. Les deux autres propriétés ne s’observent pas systématiquement, comme il ressort des exemples suivants :

Je suis contre, tout contre. (violation de b)
En avant. (violation de c).
Il a accumulé erreur sur erreur. (violation de b et de c)

Dans ce dernier cas, une analyse du complément comme groupe nominal contenant un groupe prépositionnel (sur erreur) est exclue, vu la contrainte de pluralité qu’impose le verbe d’une part, et, d’autre part, les sévères restrictions portant sur les noms : identité des deux noms et absence de détermination (voir plus bas 3.1.1. : interposition). 

Le recours à de ou à comme introducteur de l’infinitif qui alterne avec un complément nominal direct comme dans

Il craint de devoir partir à l’étranger.

ainsi que certains emplois de jusqu’à comme dans

Le jury a pénalisé jusqu’à la moindre hésitation.
(cf. Le jury a pénalisé la moindre hésitation.)

soulèvent des doutes analogues quant à la validité de (b) et (c) comme propriétés fondamentales des prépositions. Une discussion plus approfondie des propriétés définitoires et partant une reconsidération de la notion même de préposition comme partie du discours s’imposent dès lors ; la section 3.1.5. de cette notice reprendra la question, tandis qu'une proposition qui trace une autre frontière entre prépositions et adverbes est discutée en 1.4.

Tout comme la définition de la catégorie des prépositions, sa délimitation n’est pas évidente. Le noyau de la catégorie des prépositions est formé par un nombre limité d’unités lexicales simples qui ont une fréquence d’emploi élevée. Cette observation a pu mener à la conclusion que les prépositions forment un ensemble lexical fermé. Or, l’inventaire des prépositions est, au contraire, ouvert et dynamique. D’une part, il se crée de nouvelles prépositions simples et, d’autre part, il existe un ensemble important et non clos de prépositions complexes, habituellement qualifiées de locutions prépositionnelles (ou prépositives).

De nouvelles prépositions se sont formées et se forment toujours sur la base de noms – côté, façon, histoire, niveau, question, style, tendance – d’adjectifs, de verbes ou de structures à élément verbal – concernant, excepté, il y a, ci-inclus, ci-joint, plein, voilà, vu. En plus, un certain nombre de prépositions tombent hors usage ou n’apparaissent plus que dans des contextes figés et lexicalisés : deçà, fors, lez.

Le caractère ouvert de la classe des prépositions apparaît encore plus clairement si l’on considère les locutions prépositionnelles, issues de la grammaticalisation, plus ou moins avancée, de syntagmes divers :

- Syntagme à noyau nominal : face à, à côté (de), au bord (de), dans l’axe (de)

- Syntagme à noyau verbal : à partir de, en ce qui concerne

- Syntagme à noyau adjectif : proche de, le long (de), au plus profond de

- Syntagme à noyau adverbial : lors de, antérieurement à, à même

- Syntagme à noyau prépositionnel : d’après, vis-à-vis (de).

Les locutions prépositionnelles manifestent des degrés de figement et de coalescence variables établissant un continuum entre unités lexicales complexes qui ne sont pas transparentes, comme à l’instar de et des structures régulières, admettant une certaine variation interne, et transparentes comme à l’aide (de) ; ces questions feront l’objet d’une description plus détaillée en 3.3.

Vu les prépositions nouvelles et les locutions prépositionnelles, la classe des prépositions apparaît comme un ensemble dont l’inventaire n’est pas clos. Cette conclusion est renforcée par l’observation que la frontière avec d’autres catégories issues de la tradition n’est pas étanche, en particulier avec l’adverbe, mais aussi avec les conjonctions. Faut-il, par exemple, considérer loin ou parallèlement comme des adverbes et loin de et parallèlement à comme des locutions prépositionnelles ou convient-il de traiter les premiers comme des prépositions sans complément ou les seconds comme des adverbes suivis d’un complément, configuration peu typique pour un adverbe ? Quant aux conjonctions, on retiendra des paires comme avant et avant que :

Je le verrai avant les vacances / avant que tu ne partes en vacances.

Une unité lexicale telle que comme, pouvant fonctionner comme subordonnant, coordonnant, préposition ou adverbe selon les cas, illustre bien les difficultés de catégorisation:

Comme le soir tombait, ils ont cherché un abri.
Pierre comme Jean sont des amis.
Pierre, comme Jean, est un ami.
Comme abri de fortune ce serait parfait.
C’est tout comme.

Enfin, bon nombre de prépositions fonctionnent également au niveau infralexical comme éléments formateurs de mots construits : avant-midi ; sous-estimer (v. 3.3).

Les frontières floues entre catégories classiques, ainsi que le fait que certaines unités lexicales semblent faire partie de plus d’une catégorie renforcent les doutes relatifs à la pertinence de la préposition comme partie du discours.


1.2. Cadres théoriques

La préposition comme partie du discours appartient au socle de notions légué par la grammaire gréco-latine à la linguistique occidentale ; elle apparaît dès lors dans les cadres théoriques majeurs qui discutent tous les problèmes syntaxiques que pose le fonctionnement des prépositions.  En sémantique, les prépositions ont joué un rôle important dans le développement d’approches dynamiques, établissant des relations systématiques entre les divers usages observables en discours, et d’approches cognitives (v. 3.2.).


1.3. Terminologie

En linguistique française, le terme de préposition est bien établi ; en grammaire générale on rencontre également le terme d’adposition, qui permet entre autres de rapprocher les langues comme le français ou l’anglais, qui ont des prépositions, et les langues comme le hongrois où le complément précède une postposition. Ce terme couvre en outre des constructions moins courantes comme la circumposition, illustrée en français par à … près dans à quelques détails près, ou l’interposition dans joue contre joue.

Quant aux adjectifs dérivés, on rencontre tant prépositionnel que prépositif. Les deux termes sont équivalents ; le premier semble plus fréquent.


1.4. Liens avec d’autres catégories

La catégorie des prépositions entretient des liens étroits avec les autres catégories qui présentent la propriété d’invariabilité, en particulier avec les subordonnants (ou conjonctions de subordination) et avec les adverbes. Pour les premiers, on notera en particulier l’existence de couples comme pour, classé comme préposition, et pour que, traité de conjonction. La parenté avec les adverbes ne concerne pas seulement les problèmes d’inventaire, évoqués ci-dessus, mais aussi le fonctionnement syntaxique : dans de nombreux contextes, un groupe prépositionnel alterne avec un adverbe : Pierre est dans le jardin. Où est-il ? Pour certains auteurs (par exemple Gross 1986), les groupes introduits par une préposition sont, certainement dans leurs emplois les plus typiques, des équivalents d’adverbes ou des adverbiaux, ajouts au verbe ou à la phrase. L’étiquetage de locutions prépositionnelles figées, comme à loisir, en général, sans doute, comme adverbes, pratique observée assez couramment, témoigne également des liens entre prépositions et adverbes.

Pour certains items lexicaux considérés traditionnellement comme des adverbes, singulièrement des locatifs tels ici ou , ainsi que pour quelques lexèmes à valeur temporelle, comme alors ou tard, un reclassement comme préposition strictement intransitive a été proposé (Jones1996 : § 8.3.6 et 7. ; Abeillé & Godard 2021 : VIII-1). Ce reclassement fait que la propriété ‘avoir un complément (éventuellement implicite)’ n’est pas pertinente et que la distinction adverbe – préposition doit se faire sur d’autres bases. Abeillé & Godard (2020, 864 – 868) avancent deux critères : un adverbe doit pouvoir apparaître entre l’auxiliaire et l’auxilié sans qu’intervienne une rupture prosodique et il ne peut être précédé de jusque. Dans cette optique ailleurs, ici, là, où tout comme hier, tard, tôt, quand sont des prépositions intransitives. Ces critères soulèvent deux types de problèmes. Le premier est d’ordre empirique : les résultats ne sont pas toujours nets, soit que les deux critères ne convergent pas, soit que les jugements ne sont pas univoques. Pour partout les deux énoncés ci-dessous sont jugés corrects par Abeillé & Godard (2021, 754) :

Son instauration a partout donné lieu à de vifs débats.
jusque partout en France

Or, le premier critère pointe vers un classement comme adverbe et le second suggère un classement comme préposition, au moins si l’on traite partout comme la tête du complément de jusque et que l’on écarte une analyse comme modifieur de en France. En plus, la valeur discriminante du second critère est limitée, puisqu’il ne serait valable que pour le français de la région parisienne (ibid. 753). Les diverses sources ne s’accordent pas quant à certains items : alors est étiqueté préposition intransitive par Jones (1996) et comme adverbe par Abeillé & Godard (2021). Le second ensemble de problèmes est d’ordre théorique. La reconnaissance éventuelle de prépositions strictement intransitives fait de cette catégorie un ensemble sans autres propriétés discriminatoires que l’invariabilité et l’intégration dans une structure englobante ; elle apparaît donc comme une catégorie résiduelle : ce qui n’est pas adverbe est préposition. En outre, l’absence de propriétés positives communes fait que toute analyse doit au départ séparer les ‘prépositions intransitives’ des autres, réduisant dès lors la pertinence descriptive du regroupement. Il est vrai que la proposition rend la catégorie des adverbes quelque peu plus cohérente, mais le problème a été déplacé : la catégorie des préposition en est devenue moins cohérente. Enfin, il semble nécessaire de reconsidérer à partir d’autres points de vue la pertinence de la catégorie adverbe pour la description du français, plutôt que d’en déplacer les frontières ; voir Deulofeu (2022).

Les prépositions entretiennent également un lien avec la catégorie du cas ; elles régissent non seulement le cas dans de nombreuses langues, par exemple l’allemand, le grec ancien ou le latin, mais certaines d’entre elles ont succédé aux marques casuelles du latin dans l’évolution menant au français. Il est d’ailleurs frappant que la tradition grammaticale classique utilise régulièrement une terminologie casuelle pour parler de à et de devant un nom, parlant respectivement de datif et de génitif (v. encore au XIXe siècle la grammaire d’Ayer 1885 et cette notice 3.3.).

 


2. Références


La littérature relative aux prépositions est très vaste et dispersée, dans la mesure où de nombreuses études s’attachent à telle ou telle préposition particulière. Vaguer (2006, 2007) offre une bibliographie portant aussi bien sur les prépositions que sur les locutions prépositionnelles.

Les propriétés grammaticales des prépositions et de leurs compléments ont fait l’objet d’un certain nombre de monographies qui couvrent l’ensemble du champ ; on notera en particulier, Guillaume (1919) sur la présence ou l’absence d’article, Bonami (1999) sur les emplois argumentaux, Ilinski (2003) sur les combinaisons de prépositions, les compléments implicites et la tmèse à l’intérieur du groupe prépositionnel, Gabriel (2002) et les travaux de Melis (2003, 2007 a et b) sur les propriétés définitoires des prépositions et sur la coordination des prépositions. On verra également d’une part Tremblay (1999) et Abeillé et alii (2006) et d’autre part des travaux d’ensemble, tels Creissels (1995), Lemaréchal (1989), Kayne (1977), G. Gross (2012), Cl. Muller (2002), sur le statut des prépositions en syntaxe.

La problématique des emplois dits vides ou incolores attire depuis longtemps l’attention des linguistes ; les travaux anciens de De Boer (1926), Jaeggi (1956), Gougenheim (1959) et surtout Spang-Hanssen (1963) ont balisé le terrain et continuent d’inspirer la recherche, voir e.a. Vandeloise (éd. 1993).

Les études sur la sémantique des prépositions ne se limitent pas à la problématique des emplois incolores, mais s’axent aussi sur les cadres méthodologiques et théoriques appropriés, qui sont mis au point en confrontation avec des données empiriques. Outre les travaux consacrés à telle ou telle préposition particulière, on retiendra un certain nombre de monographies ou de recueils qui ont fait date : entre autres, Brøndal (1950), Pottier (1962), prolongé par Lang (1991), Vandeloise (1986), Cervoni (1991), Cadiot (1997), Franckel et Paillard (2007), Asic (2008) et Hilgert (2010). Borillo (1998) offre une synthèse relative aux emplois spatiaux. Pour la dimension historique et les phénomènes de grammaticalisation, Fagard (2006) offre une synthèse et une discussion critique.

L’étude des prépositions a donné lieu à d’importants recueils de travaux ; on verra en particulier, pour les dernières années, Berthonneau & Cadiot (1991, 1993), Cadiot & Ibrahim (1999), De Mulder & Flaux (1998), De Mulder & Stosic (2009), Faits de Langue 9 (1997), Goyens & De Mulder (2002), Kahloul (2015), Kupferman, Katz & Asnès (2001, 2002 a, b) ; Kahloul (2015),  Leeman (2008), Leeman & Vaguer (2006, 2007), Rauh (1991) et Vigier (2013). La préposition la plus fréquente, de, a donné lieu à d’importants travaux, dont Englebert (1992), Kupferman (2004) et Kupferman (éd. 1996), Lagae (1998) Hilgert (2010) et Huot (1981) sur l’infinitif introduit par de.

En outre, les grammaires et les ouvrages à couverture plus large ou consacrés à d’autres thèmes, comme les constructions du verbe ou du nom, contiennent fréquemment des observations intéressantes sur les prépositions ; Abeillé & Godard (2021: VII) proposent une description développée; Blinkenberg (1960), les travaux de M. Gross (1968, 1975, 1986) et de son équipe, en particulier Boons, Guillet & Leclère (1976) et Guillet et Leclère (1992), Busse (1974) et Busse & Dubost (1983) ainsi que Dubois & Dubois-Charlier (1997) offrent d’abondants matériaux.

 


3. Analyses descriptives



3.1. Description syntaxique

La description du fonctionnement syntaxique s’organise en deux volets : le premier offre une description des principales propriétés (3.1.1 à 3.1.4.), alors que le second propose une discussion des observations en relation avec les difficultés que pose la définition de la catégorie et avec les principales positions théoriques rencontrées dans la littérature,  en particulier la question de savoir si la préposition est une catégorie majeure ou auxiliaire et de déterminer si la préposition fonctionne comme un prédicat (3.1.5.). 


3.1.1. Les propriétés des prépositions : Typologie des compléments

Toute préposition peut être suivie d’un complément de type nominal : nom nu ou groupe nominal, pronom, infinitif ou que-phrase ; cette dernière possibilité suppose une ré-analyse de locutions subordonnantes comme pour que ou parce que en une suite préposition + complément:

Il vient pour lui / cela / qui lui ouvre la porte.
Elle l’a fait pour aider ses voisins / pour que Julie soit contente.

On observera que la quasi-totalité des prépositions admettent un groupe nominal comme complément, mais quitte à impose un infinitif ou une structure ce que P (v. Guimier 2011 pour une analyse détaillée de quitte à comme locution prépositive).

Certaines prépositions admettent, en plus, d’autres types de complément :

- Un groupe prépositionnel : La caravane passe par devant la mairie.

- Un adverbe ou une pro-forme adverbiale: Il viendra par ici ; elle le fera pour demain.

- Un adjectif non nominalisé : De taciturne, il est devenu volubile.

- Un nom + adjoint (ne formant pas un groupe nominal) : Ils ont envoyé des rations de secours par camions entiers.

- Une structure de type nexus averbal : Nous avons visité le Vatican, avec un cardinal pour guide. (Ruwet 1982 : chap. III et Ilinski 2003)

La présence du complément n’est, pour la grande majorité des prépositions, pas obligatoire en surface (voir aussi Adler 2012). Dans la plupart des cas, un complément est toutefois récupérable, soit par anaphore, soit pas deixis :

Es-tu contre cette proposition ? Non, je suis plutôt pour / en faveur.
(Un ballon roule sur la chaussée). Ne cours pas après !
Le directeur, Marie discute avec.

Il est, dans ces cas, question d’un complément zéro. Cette analyse peut être étendue au cas des relatives non standard avec ce qui semble être une préposition orpheline ou échouée (angl. stranded preposition) et non un adverbe, vu le rapport avec que :

L’homme que tu parles avec.

Le phénomène des prépositions échouées, courant dans certaines langues comme l’anglais, est marginal en français et ne s’observe que dans certains usages, moins conformes à la norme puriste.

Comme dans le cas des compléments du verbe, le complément zéro d’une préposition peut également recevoir une interprétation générale

C’est selon.
C’est l’analogue de l’amour, une aspiration vers. (Barrès, cité Grevisse-Goosse 1993 § 992)

Ou une interprétation spécifique, lexicale ou situationnelle :

[..] mon valet de chambre avait oublié de fermer les portes de la remise et le loquet était tiré, je ne pouvais pas les mettre contre et étais dans un immense courant d’air.    [..]. (Correspondance de Marcel Proust', t. II, lettre 220 du 2 octobre 1899 à sa Mère)

Voilà que mon père arrive à un âge de, je suis forcé de le remplacer (Damourette et Pichon 1911-1940 § 3040)

(Dans un café) Deux avec et un sans !

Dans certains cas toutefois une telle analyse ne semble pas convenir et le rapprochement avec l’adverbe suggère qu’il n’y a pas de complément :

Goûtez d’abord et payez après /ensuite.

Une analyse semblable peut être proposée pour

(Devant un camion à charger) Mettez ceci devant / ici et cela derrière / là.

à moins qu’ici et ne soient considérées comme des pro-formes de groupes prépositionnels ou même comme des prépositions ‘intransitives’, dénomination qui met directement en cause la propriété définitoire classique (b) : une préposition a un complément (cf. supra).

L’absence de complément ne soulève au contraire aucune observation syntaxique dans des emplois en mention, qui peuvent évoluer vers des formules lexicalisées, comme la relation partie de dans le jargon linguistique.

Certaines prépositions semblent disposer en cas de complément zéro d’une forme spécifique – dans/dedans ; sous/dessous ; sur/dessus ; hors/dehors – forme qui possède par ailleurs un ensemble d’emplois complexes, tant comme nom, que comme élément de locutions prépositionnelles et même comme préposition simple. La fréquence des emplois avec un complément récupérable varie de préposition en préposition ; ainsi, de, à et en ne l’admettent que sporadiquement :

Hans-Adam II de et à Lichtenstein
Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg
Le droit de et à la lecture publique (www.livreshebdo.fr/article/le-droit-de-et-la-lecture-publique)

Tous les passagers voyageant de et à Lugano sont autorisés à voyager avec 1 bagage en soute par personne, 23 kg maximum, inclus dans le prix du billet .(www.etihadregional.com/fr-fr/before-you-fly/baggage/ )

Elle a été conclue en exécution de et en respectant la loi du 19 mars 2017 (www.emploi.belgique.be/CAO/136/136-2017-009748.pdf)

En cela, le tourisme de et en diaspora serait un acte par lequel les membres de la diaspora indienne se constituent socialement. (A. Goureau-Ponceaud, Mondes du Tourismes 2, 2010, p. 70)

Elle s'adressait particulièrement aux enseignants de et en français de l'ERY de Macédoine (www.francophonie.org/ERY-Macedoine-innover-FLE-480)

Comme le suggère la terminologie, la préposition précède ordinairement le complément. La postposition est rare et contrainte par la forme du complément : ci-dessous ; ci-devant ; ci-inclus ; le cas de durant, qui peut être postposé, témoigne du glissement progressif du participe vers la préposition. L’analyse par postposition, avec en plus cliticisation du complément, d’un cas comme

Il lui tombe dessus.

n’est, par contre, pas évidente, vu l’inacceptabilité de

*Il tombe dessus à Jean

tout comme l’existence d’une formule à complément explicite :

Il lui tombe sur le râble.

Une analyse à complément zéro, lié par anaphore au pronom, ou le traitement de suites comme tomber dessus ou courir après comme des prédicats complexes prenant un pronom ‘datif’ comme complément offrent des solutions alternatives, permettant de mieux rendre compte des phénomènes.

On note outre la postposition trois configurations qu’une préposition peut réaliser la corrélation de prépositions, la circumposition et surtout l’interposition.

Il est question de prépositions corrélées lorsque deux prépositions, chacune ayant un complément, forment un complexe solidaire :

Le texte devrait comporter de vingt à trente pages.

Cette configuration, qui s’observe surtout pour la combinaison de … à / en, donne lieu à des lexicalisations : de gauche à droite, de long en large. Elle doit être distinguée d’une configuration proche, impliquant aussi de et à, mais où le premier groupe est optionnel :

Cette route mène (de Bruxelles) à Paris.

Dans le cas de la circumposition, la préposition comporte deux composantes qui figurent respectivement devant et derrière le complément :

à cette différence près (que Jean avait une excuse valable).

L’interposition, qui est bien plus fréquente existe sous deux configurations distinctes ; elle comporte soit deux fois le même nom nu ou exceptionnellement deux adjectifs, soit deux indications numériques :

pas à pas ; joue contre joue, année après année ; page par page ;
être quitte à quitte
La pièce mesure quatre (mètres) sur six.

Certaines formules, apparemment semblables, telles que

Il a obtenu huit sur vingt.

n’imposent pas le recours à l’analyse par interposition ; sur vingt peut être considéré comme complément du numéral. 

Dans les cas traités ci-dessus l’identification du complément ne semble pas problématique. Certaines configurations sont toutefois moins claires, soit que la présence d’un complément n’est pas évidente, soit que les limites du complément peuvent être discutées.

La première difficulté peut être illustrée par les combinaisons préposition A + préposition B + complément ; trois cas de figure doivent être distingués :

a) La première préposition prend comme complément un groupe prépositionnel :
Julie vient de [derrière la maison]

b) Les deux prépositions forment ensemble une préposition complexe :
d’après mes informateurs

c) La première préposition modifie la seconde :
Ces bruits sont confirmés jusque par des ministres. (P&P Girault de Coursac, Marie-Antoinette et le scandale de Guines)

Dans ces conditions, il a été considéré qu'une partie au moins de l'augmentation des prix d'achat imputable aux mesures antidumping pourrait être répercutée sur les différents maillons de la chaîne de distribution jusque sur les détaillants. (Règlement (CE) n° 1130/2008 de la commission du 14 novembre 2008 §181)

La tempête a déraciné un grand arbre par devant chez vous.

Celui qui aime se met, par cela même, par cela seulement, dès par cela dans la dépendance. (Péguy, Porche myst.,1911, p. 250).

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Dans cette configuration, la première ‘préposition’ n’a pas de complément, mais elle modifie la seconde, comme intensifieur ou comme signal que le groupe prépositionnel définit le cas limite auquel le prédicat s’applique, avec un effet paradigmatisant.  Dans d’autres cas deux analyses semblent possibles :

Il a fouillé jusque dans les armoires.
Dès avant midi / le jour
Dès après le premier trimestre, je séchai le lycée (Gide, Si le grain,1924, p.507).

La seconde difficulté peut être illustrée par le cas d’avant suivi d’un infinitif : de fait-il partie du complément ou fait-il corps avec avant qui connaîtrait une variante avant de tout comme une variante avant que ? Si l’on admet que la sous-phrase en que est le complément de la préposition, l’on doit également considérer que l’ensemble de + infinitif constitue le complément. La même question se pose pour de nombreuses locutions prépositionnelles pour lesquelles on peut, à la suite des travaux d’Adler (2001) considérer qu’elles prennent un complément introduit par de au lieu de traiter de comme le dernier élément de la locution : Le bouleau se trouve à gauche / à gauche de la maison. Une paire comme histoire de / histoire que, alléguée par Legallois 2007 fournit des indications dans le même sens. Il serait cependant excessif d’étendre cette analyse à toutes les locutions, car certaines, telles à l’instar de, quant à, n’admettent pas d’emploi dans lequel la seconde préposition est absente ; en outre, l’existence de formes sans complément mais se terminant par de indiquent que cet élément est étroitement lié à la locution : la relation partie de. Enfin, la paire jusqu’à / jusque montre que les deux formes peuvent coexister.


3.1.2. Les propriétés des prépositions : la sélection des compléments

La préposition sélectionne, en général, son complément tant sur le plan syntaxique que sur le plan sémantique. Chaque préposition peut être caractérisée par les types de compléments qu’elle admet ; elle possède dès lors un pouvoir de sous-catégorisation. Certaines prépositions n’admettent qu’un seul type : ceci est par exemple le cas de chez, toujours suivi d’un groupe nominal, et de quitte à qui requiert un infinitif ; d’autres, comme pour ou de, admettent un spectre de compléments fort large.

Elle viendra chez Julie.
Elle veut acquérir ce terrain, quitte à payer le prix fort.
Il l’a fait pour toi / pour te faire plaisir / pour que tu sois content(e).
Je le garde pour quand ils viendront / si ils viennent
Elle le fera pour demain / pour dans trois jours.
Pour difficile, le concours l’était.
Œil pour œil, dent pour dent.
Il se souvient de cela / d’avoir fait cela / de ce que Jean lui devait une somme importante.
Elle vient de derrière la maison / de là.

La préposition ne détermine pas seulement la catégorie du complément, mais peut également influer sur les propriétés morphosyntaxiques du complément. Au cas où les prépositions avant ou pour sont suivies d’une que-phrase, le verbe doit être au subjonctif, alors que dès suivi d’une que-phrase ou par prenant une sous-phrase en ce que demandent l’indicatif. Le cas de par montre aussi que les contraintes portant sur le type et la structure du complément peuvent varier en fonction des emplois que cette préposition connaît. Elle peut être suivie d’un groupe nominal (Il arrive par le train), mais si le nom complément n’a pas d’adjoint, il doit prendre la forme d’un nom nu dans d’autres emplois (par hasard, par accident vs. par un hasard extraordinaire, par un malheureux accident) et en emploi distributif la préposition est suivie d’un nom nu et d’un adjoint, structure non canonique : il vend le vin par barriques de 500 litres. En outre, cette même préposition peut-être suivie d’un infinitif, mais cela uniquement en combinaison avec des verbes comme commencer ou finir :

Il a commencé par étudier la morphologie / par l’étude de la morphologie

Il a approfondi ses connaissances du grec par l’étude de la morphologie / *par étudier la morphologie.

Les prépositions possèdent non seulement un pouvoir de sous-catégorisation, mais elles sélectionnent également leur complément sur le plan sémantique, comme le montre l’exemple de chez imposant un complément qui réfère à une personne ou comme il ressort de paires telles que être en faute / être dans l’erreur, commentées par Leeman (1995) ; les prépositions activent également certains traits sémantiques du complément : dans configure mur comme un volume qui peut contenir quelque chose, alors que sur configure ce même nom comme un plan, une surface :

Ils ont ouvert une brèche dans le mur d’enceinte.
Ils ont affiché une proclamation sur le mur / ils ont placé des tessons de verre sur le mur.

Sous-catégorisation syntaxique et sélection sémantique vont généralement de pair. Il existe cependant des cas où la préposition fait apparaître une forme de sélection, mais ne sous-catégorise pas, la sous-catégorisation étant assurée par un autre terme recteur, généralement le verbe. Ceci s’observe pour certains emplois d’excepté et de sauf, ainsi que pour certains emplois de jusqu’à :

Il se rappelle tous les voisins, sauf la mère Michel.
Il se souvient de tous les voisins, sauf de la mère Michel.
Son mari est très habile et sait tout faire dans le ménage : la cuisine, le nettoyage, jusqu’au repassage / cuisiner, nettoyer, jusqu’à repasser.

Le cas inverse, sous-catégorisation sans sélection, s’observe également pour certains emplois de à ou de, en particulier comme introducteurs d’un infinitif comme dans Il aime de / à partir en randonnée et non *Il aime de / à la randonnée, mais aussi dans des tours comme ce coquin de valet où  la forme du groupe nominal est contrainte par de, mais où le sémantisme dépend du terme qui précède. En plus, de qui apparaît entre un quantifieur et le nom quantifié (peu de livres, beaucoup de bonne volonté) ne sélectionne pas le nom, alors que la structure de la suite est contrainte. Ces divers types d’emploi sont fréquemment considérés comme des emplois non prépositionnels, point de vue qui sera discuté en 3.1.5., mais l’absence de sélection par la préposition s’observe également dans des tours dans lesquels de et à sont habituellement traités de vraies prépositions, comme la construction infinitive faire faire quelque chose à quelqu’un où la sélection du complément de à dépend exclusivement de l’infinitif et de son complément direct.

Dans certaines configurations, l’on peut même mettre en doute que la préposition exerce tant un pouvoir de sous-catégorisation qu’un pouvoir de sélection. Ceci pourrait être le cas des compléments du nom introduits par de tels la photo de ma voisine / du départ / de la veille / du village / … : la sélection du nom complément est fonction du nom recteur et cela vaut vraisemblablement aussi pour le type syntaxique, comme le suggèrent les exemples suivants :

Le désir, l’envie, la joie, le moment, la peur de partir / du départ
La photo, le rappel, le souvenir du départ / * de partir.

Les observations qui précèdent montrent d’une part que la préposition possède, généralement, un pouvoir de sous-catégorisation et de sélection et fonctionne dès lors comme tête régissant le groupe nominal et d’autre part que la sous-catégorisation et la sélection du complément dépendent, au moins dans certains cas, partiellement ou peut-être même entièrement d’éléments externes au groupe prépositionnel. Ces deux facettes demandent à être examinées de plus près afin de préciser la portée des observations.

Comme les propriétés de sélection syntaxique ou sous-catégorisation et de sélection sémantique ou lexicale varient de préposition à préposition, un tableau détaillé qui dresse l’inventaire des combinaisons attestées ou acceptables devrait être établi. Vaguer (2008) offre une première esquisse, mais le tableau des propriétés de sous-catégorisation est limité à certaines configurations – groupe nominal et formes verbales – et aux prépositions simples. Le Pesant (2006) présente également des matériaux intéressants pour la construction d’un tel inventaire et y ajoute des informations sur le mode d’intégration des groupes prépositionnels dans la phrase (v. 3.1.4.).


3.1.3. Les propriétés des prépositions : la préposition comme tête

Que la préposition soit la tête du groupe prépositionnel, comme le suggèrent les observations qui précèdent, peut se vérifier par d’autres indices : une tête peut être modifiée par un adjoint, en particulier un marqueur de degré ; deux têtes peuvent être coordonnées ; une tête jouit d’une certaine autonomie par rapport à son complément. Ces trois indices se vérifient dans le cas de certaines prépositions :

- La préposition comme tête peut être modifiée par un adverbe de degré :

Il se tenait tout contre le mur /  juste devant elle.

- Deux prépositions peuvent être coordonnées :

Est-il pour ou contre la proposition ?
La roseraie s’étend devant et à côté de la maison.

- Sous certaines conditions (v. Ilinski 2003 chapitre 4) la préposition et son complément peuvent être séparés par un adjoint extra-prédicatif :

Je les savoure avec recueillement, avec piété, avec aussi je ne sais quelle salubre mélancolie. (Duhamel, cité Ilinski 2003, p. 310)

L’évolution des rapports entre le château et le village depuis surtout la dernière guerre (radio, cité id. p. 312)

Les consommateurs sont submergés d’informations difficiles à déchiffrer avec, par exemple / entre autres, des étiquettes comportant des données codées. (Deulofeu 2014)

À ces trois indices, qui peuvent également être mis en œuvre pour d’autres catégories, s’ajoute une propriété qui est spécifique aux prépositions dans certaines langues, tel le français : la préposition fonctionne comme une barrière empêchant de mettre en relation un élément externe au groupe avec le complément ; dans la terminologie de la grammaire générative (v. déjà Kayne 1977), qui a mis en évidence le phénomène, le groupe prépositionnel forme une île. Le contraste entre

Cet auteur, j’en évoque le premier roman.
*Cet auteur, j’en pense au premier roman.

s’explique par référence à cette propriété, tout comme l’absence de prépositions échouées en français, exception faite de quelques cas en marge (cf. supra) :

*Quelle couleur ce bleu s’harmonise-t-il avec ?
Avec quelle couleur ce bleu s’harmonise-t-il ?

Cependant d’éventuelles violations de la contrainte d’île ont été signalées dans la littérature. Il convient de distinguer quatre groupes de cas :

a) des cas de violation douteux où il y a lieu de distinguer deux types. Le premier type est lié au phénomène du complément zéro discuté plus haut et illustré par

la personne que tu parlais avec
il lui tombe dessus

Si l’on retient l’analyse par complément zéro, il n’y a pas de violation de la contrainte. Le second type, signalé par Kayne (1977), concerne le cas de à datif ; il est exemplifié par

Impatiente, il lui fallait tout sur le champ, à Gertrude.
Les élèves, je leur ai parlé à tous. / ? Les élèves, à qui j’ai parlé à tous.

La question se pose de savoir si l’élément extrait – adjectif extraposé ou groupe nominal – doit être rattaché au pronom ou au groupe prépositionnel ; dans le premier cas, la contrainte n’est pas violée, dans le second elle l’est bien.

b) des violations sporadiques. Avec dont les grammaires signalent des exemples attestés qui violent la contrainte :

les jeunes dont il est devenu banal de regretter la pauvreté de la langue (Gr. Lar. Cité Grevisse-Goosse § 724 c 2°)

Un cheval dont l’artiste a seulement retenu la forme du contour (Benda, cité ibid.)

… dont il se trouvera en possession (Code civil, cité Grevisse-Goosse §724 c 1°)

des difficultés dont il ne viendra jamais à bout (cité Hanse 2000, sv.).

Il convient cependant d’observer que les grammaires traitent se trouver / être en possession ou venir à bout comme des suites analytiques et non comme des unités lexicales ; l’adoption de cette seconde interprétation implique qu’il n’y a pas de violation.

On pourra y ajouter un hapax cité par Damourette et Pichon (§3028) :

Combien comptez-vous sur de personnes ?

c) des violations systématiques liées à certains emplois. La contrainte d’île n’est pas valable pour certains emplois. Ceci est clairement le cas pour de et à introducteurs d’un infinitif qui alterne avec un complément direct :

La personne que vous avez demandé de / à voir.

Elle ne vaut pas non plus pour l’emploi de jusqu’à suivi d’un groupe nominal qui peut être compris comme complément d’objet direct, emploi analogue à celui de jusqu’à comme modifieur paradigmatisant et intensifiant mentionné ci-dessus (3.1.1.):

Cet enfant dont nous devinions jusqu’aux pensées (cité Hanse 2000, sv.)

d) des violations systématiques liées à la coordination. En cas de coordination, un adjoint peut être commun au complément de chaque préposition, cet adjoint viole la contrainte d’île associée à chaque groupe prépositionnel pris séparément :

Il y a des traces sous les armoires et dans les placards du salon.

Il semble que la propriété de former un groupe prépositionnel est transférée à la structure coordonnée dans son ensemble.

Conférer le statut de tête du groupe prépositionnel à la préposition implique également que le groupe possède les propriétés morphosyntaxiques de sa tête ; ceci est le cas du groupe nominal qui hérite de sa tête les propriétés de genre, nombre et personne. Dans le cas du groupe prépositionnel, celui-ci devra donc refléter l’invariabilité de la préposition et dès lors l’absence de propriétés nominales et verbales. Or, il existe un certain nombre de cas dans lesquels le groupe prépositionnel semble manifester ou transmettre des propriétés nominales et où la préposition ne fonctionne de ce fait pas ou pas pleinement comme tête du groupe. Il y a lieu de distinguer plusieurs cas :

- Le groupe introduit par la préposition est proportionnel à un pronom personnel ‘datif’ :

Elle lui parle, à son fils / sa fille ; elle leur parle, à ses enfants.

- Le groupe prépositionnel est proportionnel à un pronom personnel caractéristique soit de la fonction de complément d’objet direct soit de l’attribut ou prédicat nominal :

Il le lui dit, de venir.
Il l’est, de bonne humeur / à l’aise / de bonne composition.

À ces cas, il convient d’ajouter certains cas du groupe à préposition en interposition

Qu’a-t-il encore débité ? Il a débité bêtise après bêtise.
Tu sais, il a commis erreur sur erreur. / Je ne savais pas qu’il en avait commis tant.

Tout comme un cas complexe où le groupe prépositionnel semble proportionnel à deux pronoms, saturant tant la position de complément direct que celle de complément indirect :

Il a opposé argument à argument.

- Si l’on maintient l’analyse comme préposition de jusqu’à ou de comme dans :

La relectrice a éliminé jusqu’à la dernière scorie.
Il a entendu comme un bourdonnement d’abeille.
Comme une nuée flottait sur la plaine (ex. J. Deulofeu).
Les grands-parents, les parents, les enfants, les oncles et les tantes, jusqu’aux derniers cousins et cousines, ils étaient tous là pour saluer Georges à son retour du front.

des problèmes analogues se posent ; le groupe alterne avec un groupe nominal nu. L’utilisation de ils dans le dernier exemple est significative. Une analyse comme modifieur du groupe nominal semble plus appropriée, même si elle rencontre également des difficultés : le groupe nominal n’alterne pas avec la proforme attendue et ne peut être extraposé, sans modification significative du sémantisme et de la référence:

*La relectrice l’a éliminé, jusqu’à la dernière scorie.
Il l’a entendu comme un bourdonnement d’abeille.
Comme une nuée, elle flottait sur la plaine.

- Certains exemples montrent que le groupe prépositionnel contribue à donner à un groupe complexe la valeur de pluriel ; un effet de coordination apparaît dès lors :

Bernard avec Raton, l’un Singe et l’autre Chat / Commensaux d’un logis, avaient un commun maître. (La Fontaine).


3.1.4. Les propriétés des prépositions : l’intégration du groupe prépositionnel dans la structure syntaxique

La définition classique de la préposition pose que celle-ci assure l’intégration du groupe prépositionnel, et partant de son complément, dans une structure syntaxique englobante. Diverses facettes demandent à être examinées de plus près : la nature de l’opération d’intégration, le mode et le lieu d’intégration, ainsi que la fonction du groupe intégré dans l’ensemble englobant.

En général, l’intégration opérée par la préposition est considérée comme une forme de dépendance, donc d’intégration verticale, mais cette association entre intégration et dépendance n’est pas systématique.  Il existe en effet deux séries d’emplois dans lesquels la préposition intègre un élément dans un ensemble de même niveau.

- Dans le premier cas, il s’agit d’une forme de coordination, qui comme il a été observé plus haut, permet d’attribuer à l’ensemble la valeur de pluriel :

Le murmure des sources avec le hennissement des licornes se mêlent à leurs voix. (Flaubert)
Pierre comme Jean sont venus hier soir. vs. Pierre, comme Jean, est venu hier soir.
Il a commenté ligne après ligne.
Il a voulu revoir tous ses condisciples, jusqu’au maire du village.
Il a revu tous ses condisciples, sauf le maire.

Dans le troisième exemple, la préposition est indispensable à la bonne formation du groupe et en détermine la forme, alors qu’elle ne l’est pas dans les autres cas ; elle forme avec les deux termes une unité forte à effet de pluriel indéterminé et souvent avec un effet d’itération ; quoique signalée dans les descriptions du français, cette tournure reste à étudier plus en détail (v. pour l’anglais Jackendoff 2008). Les exemples suivants sont proches de la coordination avec un effet de paradigme auquel vient s’intégrer un nouvel élément. Ce type se caractérise par le fait que la préposition ajoute un élément à un premier terme (ou une série de termes) et que le terme ajouté est de même niveau et de même construction. Jusqu’à, excepté et sauf opèrent, dans cette configuration, une adjonction secondaire, corrigeant le premier terme ou ensemble, alors que les autres exemples illustrent une forme de coordination, certes peu fréquente, mais plus conforme au type général.

- Dans le second cas, la relation entre le groupe prépositionnel et un terme externe relève de la prédication ; il se rencontre dans deux configurations spécifiques impliquant de : l’infinitif de narration et la structure ce fripon de valet :

L’homme est sorti en claquant la porte et la femme d’éclater en imprécations furieuses.
Cet imbécile de voisin / de Jean ; la ville de Paris.

Mais, il s’observe également dans la structure plus standard avec être et un attribut introduit par une préposition :

Justine est de bonne humeur / à son avantage / en voyage / en retard.
Pierre est à la maison / devant  la maison.
Le rendez-vous est à cinq heures.

ainsi que dans le nexus averbal

Avec ma voisine de palier en voyage, (la maison est fort calme).

Une extension de cette analyse à un sous-ensemble des groupes prépositionnels adjoints à un nom est envisageable pour peu qu’on admette une réduction de relative :

le rendez-vous à cinq heures     / le rendez-vous qui est à cinq heures
l’arbre devant la maison            / l’arbre qui est (se trouve) devant la maison
cet enfant de bonne humeur       / cet enfant qui est de bonne humeur.

On verra sur ce point G. Gross (2012, chapitre 7, en particulier §4) et les extensions proposées dans le cadre du modèle d’analyse que cet auteur développe. 

Si les structures coordonnantes ne correspondent pas à l’hypothèse que la préposition est la tête du groupe, vu qu’elle joue plutôt un rôle de ligateur entre les diverses composantes de l’ensemble, les configurations pour lesquelles il est question d’un rapport de prédication sont compatibles avec cette hypothèse classique ; toutefois, la préposition n’y apparaît pas comme la tête sélectionnée par un élément externe et il ne peut dès lors pas être question  de dépendance du groupe prépositionnel, autre composante de la définition habituelle. Il s’ajoute les nombreux emplois des phrases averbales ne comportant qu’un groupe prépositionnel, à moins de les considérer comme des phrases tronquées.

Dans de nombreux cas, fort diversifiés, une tête externe qui sélectionne la préposition et partant le groupe dont elle est la tête, est bien attestée. Il est possible de les classer selon diverses dimensions, en particulier le mode de sélection et le type de l’instance qui sélectionne, partant la fonction que le groupe prépositionnel remplit.

Quant au mode de sélection, l’on peut distinguer trois types principaux : la sélection structurelle, dictée par la configuration syntaxique, la sélection lexicale, commandée par les propriétés lexicales de la tête externe, et la sélection syntactico-sémantique, fondée sur la compatibilité des propriétés de la tête prépositionnelle avec celle de l’instance intégrante. Ce dernier mode d’intégration peut être illustré par la phrase suivante :

D’après le journal, le ministre a défendu avec perspicacité pendant plusieurs heures les propositions à la commission des finances.

Les conditions d’intégration des quatre groupes prépositionnels mis en évidence varient évidemment. L’insertion du groupe introduit par d’après est conditionné par certaines propriétés énonciatives de la structure, comme il ressort du fait que la phrase exemple ne peut être utilisée comme complétive de certaines expressions comme je suis convaincu que, je pense que, à moins d’écarter le groupe que d’après introduit:

* Je suis convaincu que, d’après le journal, le ministre a bien défendu cette proposition.
Je suis convaincu que le ministre a bien défendu cette proposition.

D’après peut par contre apparaître dans une complétive, à condition que celle-ci puisse être attribuée à une instance énonciative distincte :

Nous savons que, d’après Ampère, dans un aimant tout se passe comme s’il était parcouru par d’innombrables courants  particulaires. [Poincaré, frantext]

La plupart des ulémas ont rapporté que, d’après Anas, le Prophète a dit: « Que l’un de vous ne souhaite pas la mort à cause d’un mal qui l’a frappé ». [web]

ou que d’après prenne une autre valeur, indiquant la référence et non la source du propos :

Cette indemnité journalière est due à partir du 3° jour suivant celui où, d’après le certificat médical, l’assuré a cessé ses activités professionnelles. [web]

Il existe une procédure dérogatoire qui permet de consulter des archives publiques, lorsque, d’après les textes, elles ne sont pas communicables. [web]

Les trois autres compléments mis en évidence dans l’exemple initial sont syntaxiquement liés au verbe ou au prédicat, mais leur intégration est conditionnée par les différentes dimensions qui caractérisent ce dernier, ainsi que son interaction avec les arguments. L’intégration d’avec perspicacité est fonction de la relation agentive entre le sujet et le prédicat, alors que pendant plusieurs heures est lié au mode d’action de ce prédicat. Enfin à la commission des finances interagit avec le temps et l’aspect et précise ainsi l’ancrage spatio-temporel. La sélection de la préposition est fonction de ses propriétés inhérentes, tant sémantiques que syntaxiques et détermine les propriétés du complément ; le cas de pendant illustre bien ce phénomène : si cette préposition est sélectionnée par le mode d’action ou aspect lexical du prédicat, son complément doit référer à une durée qui est quantifiée et non définie.

La sélection syntactico-sémantique s’observe non seulement dans le cas d’adjoints, de la phrase ou du prédicat verbal, mais également d’adjoints du nom et aussi de compléments sous-catégorisés par le verbe et de déterminants du nom :

La présentation à la commission des finances a été fort convaincante
Il ira à la commission des finances / elle vient de la commission des finances
Il y aura entre vingt et trente dossiers par commission.

La sélection sur la base des propriétés intrinsèques des prépositions, s’observe également dans le cas où une préposition, soit sans complément, soit introduisant un groupe prépositionnel, sert de modifieur ou spécifieur d’une autre préposition :

La police a inspecté les lieux, jusque dans le fin fond du jardin.
Le jardin s’étend de la ferme de Marville jusqu’à la route de Grindent.

Le phénomène de la sélection lexicale est bien connu dans le cas de verbes qui construisent un complément avec une préposition fixe ou avec une liste de prépositions limitée, tels consister en, opter pour, parler de, penser à ; voter pour / contre, mélanger à / avec. Certains verbes admettent en fonction de leur valeur spécifique des prépositions différentes : croire à / en ; compter avec / sur.

Des phénomènes analogues s’observent pour des locutions verbales, des noms, des adjectifs et même certains adverbes :

Tenir compte de ; faire attention à ;
Admiration pour, attitude envers, remède pour / contre
Apte à ; proche de
Parallèlement à ; près de

Le choix de la préposition n’est pas indépendant de son sens (opter pour), mais la distance peut varier, au point que le lien peut sembler opaque (voir par exemple le contraste entre avoir confiance en et faire confiance à). En outre, le terme recteur intervient dans la sélection du complément, qui ne dépend dès lors pas exclusivement de la préposition (v. ci-dessus), même si celle-ci intervient dans une certaine mesure, tant sur le plan syntaxique – dans le cas de remède la préposition pour admet un infinitif, tandis que contre l’exclut – que sur le plan sémantique, comme l’atteste le contraste entre comparer à qui admet un nom de personne et comparer avec qui semble l’exclure. La co-sélection par le terme recteur et la préposition fait que les deux tendent à former une unité forte sur le plan paradigmatique, alors que la préposition et son complément sont étroitement liés sur le plan syntagmatique, le français ne connaissant pas le phénomène des verbes à particule qui caractérise entre autres l’anglais (stand up, look for, …).

Si l’on admet la position d’Adler (2001) quant à l’analyse des locutions prépositionnelles, il faut ajouter ce cas à la liste des contextes dans lesquels une sélection lexicale a lieu ; une locution comme à côté sélectionne, dans cette optique, un groupe prépositionnel introduit par de, alors que par rapport sélectionne à.

Vu le mode de sélection par un terme recteur spécifique, les groupes prépositionnels en cause sont tous des compléments. Ceux-ci ne forment toutefois pas un ensemble homogène, comme il ressort, entre autres, de la commutation avec d’autres réalisations :

Accrocher cela au mur, là, où ? y accrocher cela
Annexer ce quartier à la ville, à quoi ? y annexer ce quartier
Appartenir à quelqu’un, à qui ? lui appartenir.

Outre les modes de sélection lexicale et syntactico-sémantique, la préposition peut apparaître pour des raisons structurelles, confirmant – au moins pour certains cas – l’hypothèse que la préposition rend possible l’insertion d’un groupe de type nominal alors qu’une construction directe est exclue (e. a. Guillaume). Ce phénomène s’observe en premier lieu dans la syntaxe verbale d’une part dans la construction faire faire quelque chose à quelqu’un, construction canonique de faire + infinitif en présence d’un complément direct lié à l’infinitif, et d’autre part dans les versions pronominales de certains verbes où le pronom réflexif bloque la position d’objet direct :

Il fait lire le livre à / par Marie
Il aperçoit une erreur. Il s’aperçoit d’une erreur.
Il attend des difficultés. Il s’attend à des difficultés.

On pourra y ajouter des verbes qui ont un emploi bi- ou trivalent, tels payer ou inspirer

Il a payé le plombier. / Il a payé la réparation au plombier.
Cet événement a inspiré Gertrude. / Cet événement a inspiré une nouvelle à Gertrude.

L’hypothèse que la préposition à qui apparaît dans les groupes prépositionnels alternant avec un pronom personnel et manifestant donc des propriétés de groupe nominal relève de ce mécanisme a d’ailleurs été formulée dans le contexte d’analyses de la construction dative (Melis 1998a).

Dans le domaine nominal, des phénomènes de sélection par la structure s’observent en premier lieu dans le cas de la quantification, mais aussi dans les nombreux cas où un complément introduit par de alterne avec un déterminant possessif, ainsi que dans les séquences N de N, proches de noms composés :

La photo de Marie ; la salle de travail
L’église du village ; une église de village.

La préposition indique qu’il y a spécification du nom tête par le groupe nominal ou le nom dépendant, mais ne précise en rien la nature de cette spécification (Bartning 1993).

Enfin, l’on peut considérer que l’emploi de à et de comme introducteurs ou complémenteurs d’infinitifs sujet ou objet relève de la sélection structurelle, mais, dans ce cas, la structure syntaxique du sujet ou du complément conditionne l’apparition d’une préposition ; le choix de celle-ci dépend, par ailleurs, du lexique, ce qui montre que les deux modes de sélection peuvent se combiner. La construction dans laquelle à ou de fonctionnent comme complémenteur ne correspond d’ailleurs pas à la configuration standard des prépositions, vu la position syntaxique occupée et les relations avec les formes pronominales. Dans certains cas, le complémenteur alterne avec la construction nue, quoique avec une nuance : de particularise et concrétise (Damourette et Pichon 1911-1940 : § 1053 et Togeby (1982 : § 1196) :

(De) changer de poste ne lui aurait pas déplu.

Un même effet s’observe dans deux autres contextes : l’infinitif dit de narration et la structure prédicative GNom de Adj (Lagae 1998) :

La porte se referma sur Julie et Gaston de s’exclamer.
Il y a trois textes d’achevés.

Ici encore les configurations syntaxiques sont spécifiques et se distinguent clairement du schéma habituel associé aux prépositions.

Les trois modes de sélection évoqués ci-dessus couvrent la presque totalité des contextes dans lesquels une préposition signale une relation de dépendance. Dans deux cas, la configuration syntaxique est plus complexe et il y a lieu de parler d’un double mécanisme de sélection.

Le premier cas, à vrai dire rare, est illustré par

Il a opposé argument à argument.

Le groupe avec interposition de à sature deux positions syntaxiques, celle de complément direct et celle de complément indirect, tout en formant un seul syntagme fortement lié.

Dans le cas des prépositions exceptives, comme sauf, on observe également une double dépendance, d’une part du complexe nominal par rapport auquel la préposition introduit une exception et d’autre part par rapport au verbe qui détermine la construction du complément :

Il a discuté tous les tableaux sauf les portraits.
Il a discuté de tous les tableaux, sauf des portraits.

Ces deux rapports ne sont pas semblables : sauf intègre portraits dans la catégorie des tableaux, restreignant la portée du dernier nom, qui ne peut référer à des photos ou des sculptures, alors que la dépendance par rapport au verbe est de nature hiérarchique et relève de la sélection et de la sous-catégorisation.

La description des conditions d’intégration des groupes prépositionnels dans la phrase et ses composantes doit être complétée, comme pour les propriétés de sélection, par un tableau qui détaille les possibilités préposition par préposition. Un tel tableau n’est pas disponible à l’heure actuelle, même s’il existe des inventaires partiels, d’une part sous la forme d’études globales comme Le Pesant (2006) et d’autre part sous la forme d’inventaires des contraintes lexicales : dictionnaires de constructions ou dictionnaire de valence et lexiques-grammaires (v. §2 pour les références de base). La mise au point de ces inventaires et leur diffusion sont rendues complexes par l’existence de terminologies différentes qui reflètent des positions divergentes quant à l’analyse et l’architecture syntaxiques.


3.1.5. Discussion : la syntaxe des prépositions et l’unité de la catégorie

Des éléments de description synthétisés ci-dessus il ressort qu’une caractérisation univoque des propriétés syntaxiques de la préposition est impossible ou aboutit à une sous-spécification de la catégorie. L’invariabilité des prépositions, qui est posée comme condition a priori, n’est pas une condition suffisante. Les autres propriétés généralement citées : la formation d’un groupe prépositionnel qui contracte une relation de dépendance avec un élément externe, le rôle de tête de la préposition dans ce groupe et la sous-catégorisation du complément par la préposition ne permettent pas de rendre compte de tous les emplois et de délimiter la catégorie par rapport à d’autres invariables, comme il ressort des données rassemblées ci-dessus.

Si l’on se situe au niveau des schémas de construction observables. On doit en premier lieu noter l’existence de plusieurs types qui s’écartent sensiblement du prototype que les trois propriétés, par ailleurs liées, définissent. Il s’agit en premier lieu de l’emploi de certaines prépositions comme modifieurs d’une autre préposition, comme dans Il téléphonera dès après le repas, où l’on note bien un rapport de dépendance, mais pas de formation de groupe et partant pas de sous-catégorisation. Les divers emplois dans lesquels une préposition précède un groupe qui sera intégré avec d’autres groupes de même rang dans une unité complexe, qu’il s’agisse d’une adjonction, comme dans le cas de Tous les invités étaient venus sauf Pierre / tous les employés, jusqu’au personnel d’entretien, ont été consultés, ou de coordinations atypiques, telles que Marie comme / ainsi que Florence sont mes amies forment un deuxième groupe. Il est bien question de formation d’un groupe dont la préposition est l’élément nodal, mais non de groupe prépositionnel, puisque l’ensemble hérite de la catégorie des composantes. Il n’est en outre pas question de sous-catégorisation par la préposition. Les structures avec une préposition en interposition en sont proches, dans la mesure où la préposition lie les deux éléments de même rang et où l’ensemble peut, sous certaines conditions, fonctionner comme un groupe non prépositionnel : il a commis erreur sur erreur ; il a annoté page après page. Les deux structures semblent aux antipodes l’une de l’autre ; il existe pourtant un emploi qui les rapproche : il a corrigé jusqu’à la dernière imperfection ; dans un tel cas jusqu’à fonctionne comme adjoint du groupe nominal et évoque, en même temps, un tout auquel il s’intègre comme cas limite sur le plan sémantique, même si aucun élément explicite n’est exprimé et qu’il ne soit pas licite de parler de coordination. S’y ajoutent diverses configurations dans lesquelles apparaît de et parfois à : l’emploi comme complémenteur, la construction de l’infinitif de narration, la configuration prédicative avec un adjectif (Il y a plusieurs élèves d’absents.) et, enfin, les emplois de ce même élément de dans la détermination nominale : Il n’a pas de livres / il a beaucoup de problèmes (v. Carlier et Melis 2005 pour le développement de cet emploi). Ces emplois sont tous distincts de l’emploi canonique comme préposition, mais ils peuvent cependant y être liés, soit sur le plan synchronique, soit sur le plan diachronique.

Il est vrai que les deux structures évoquées sont minoritaires, mais il convient également de formuler des réserves relatives aux propriétés définitoires pour les emplois des prépositions plus canoniques ou plus fréquents. Comme les trois propriétés citées plus haut sont liées et peuvent être considérées comme des facettes de la notion de tête, il est pertinent de voir si une analyse plus fine de celle-ci permet de mieux rendre des observations. Une premier pas peut être fait à l’aide de la distinction entre tête forte et tête faible, proposée par Abeillé et alii (2006) dans le contexte de la grammaire HPSG ; les auteurs proposent de caractériser un ensemble d’emplois de à et de – en particulier les emplois comme introducteurs d’infinitif (il a demandé de/ à partir) et dans la quantification (beaucoup de livres) – à l’aide de la notion de tête faible ; celle-ci se caractérise par des propriétés paradigmatiques et syntagmatiques : une tête faible ne détermine pas la catégorie du groupe, elle permet l’extraction et requiert la répétition en cas de coordination (il a demandé de faire silence et de prêter attention au débat).

Les deux types de propriétés ne sont pas nécessairement liées ; il existe en effet des emplois où la préposition ne détermine pas la catégorie du groupe, mais manifeste bien les propriétés syntagmatiques : exclusion de l’extraction et possibilité de ne pas répéter la préposition en cas de coordination ; ceci est en premier lieu le cas de à dit datif et, vraisemblablement aussi des cas où une préposition introduit un attribut qui est proportionnel à le : Dominique est de bonne humeur. Il est donc utile de dédoubler la catégorie des têtes faibles, comme il est opportun de distinguer dans le groupe des prépositions qui fonctionnent comme tête forte, le cas des prépositions qui disposent pleinement du pouvoir de sous-catégorisation et de sélection de celui des prépositions qui co-sous-catégorisent et co-sélectionnent avec un élément externe dont elles dépendent (v. supra).

La discussion montre que seule une approche qui opère avec un gradient permet de rendre compte de la variation observée. Celui-ci sera d’ailleurs pluridimensionnel, puisque aux variations liées à la notion de tête s’ajoutent d’autres dimensions, en particulier le nombre de termes liés et la présence ou non d’une relation de dépendance avec un élément externe, absente non seulement dans les cas que l’on peut qualifier de coordonnants, mais aussi chaque fois que le groupe introduit par une préposition fonctionne comme prédicat ; la relation spécifique que de établit dans le domaine de la détermination nominale entre une expression quantitative, adverbe ou nom, et le nom quantifié (énormément de dégâts ; bon nombre d’invités) peut être intégrée dans un tel gradient. Si, dans ces emplois, la préposition apparaît comme un invariable tête, ou transitif dans la terminologie de Tremblay (1999), l’observation cruciale est qu’elle peut fonctionner dans un grand nombre de schémas de construction. Cette conclusion permet d’établir une analogie avec le verbe et avec un certain fonctionnement comme prédicat (v. Gross 2012), à condition toutefois de bien préciser la portée de ce terme. En outre, les divers modes de sélection de la préposition montrent que celle-ci peut fonctionner comme auxiliaire de la construction, mais aussi comme élément constructeur. Dans ce sens, les deux positions fondamentales que l’on rencontre dans les diverses traditions grammaticales et linguistiques - la préposition comme auxiliaire de construction ou d’incidence dans les termes guillaumiens et la préposition comme unité majeure tant sur le plan syntaxique que sémantique – sont attestées dans le gradient complexe des emplois. 

Comme les prépositions individuelles ne peuvent pas fonctionner toutes dans l’ensemble des schémas rencontrés, un inventaire précis des possibilités de chaque élément lexical est à construire. Il sera en outre nécessaire de voir si d’autres éléments peuvent également fonctionner dans ces contextes ; or, certains éléments rangés par la tradition hors de la catégorie des prépositions, tels comme ou ainsi que manifestent pour certains emplois, les mêmes propriétés que certaines prépositions et certains adverbes sont transitifs ; en outre, certains schémas, comme celui de la coordination, sont réalisés dans la majorité des cas par des invariables que la tradition ne considère pas comme des prépositions : et, ou, mais, …

Il se pose dès lors la question de savoir si l’on peut maintenir la thèse que les prépositions forment une catégorie ou classe de mots. Cette position semble difficile à maintenir, du moins si les catégories sont définies par des propriétés nécessaires et suffisantes. Son maintien impliquerait en effet la  caractérisation des emplois qui posent problème comme des changements de catégorie occasionnels ou systématiques. Une telle hypothèse pourrait éventuellement rendre compte de certains cas, tels l’emploi de de comme déterminant du nom, traité comme un changement de catégorie au niveau du système ou celui d’avec comme ‘coordonnant’ considéré comme un changement en discours et donc occasionnel, mais elle échoue devant d’autres, par exemple certains emplois de à ou de suivis d’un infinitif ou le fonctionnement de sauf, et oblige à créer ad hoc des classes ou catégories de mots, comme introducteur de l’infinitif ou interposition.

Si l’on écarte, l’option d’une catégorisation stricte couplée au mécanisme des changements de catégorie, deux hypothèses sont à envisager :

- L’abandon de la définition stricte en faveur d’une approche par prototype : la définition caractérise, dans cette hypothèse, le noyau central des emplois et son caractère prototypique autorise des variations le long des diverses dimensions qui la composent ; cette hypothèse implique que la catégorisation des unités lexicales n’est pas systématiquement homomorphe des divers fonctionnements syntaxiques dans lesquels elles peuvent apparaître ;

- L’abandon de la préposition comme partie du discours ou classe de mots en faveur d’une classification plus simple des unités lexicales en parties du discours, fondée sur des propriétés morpho-syntaxiques et rassemblant tous les invariables en une seule classe ; la diversité des emplois est dans cette optique à traiter en syntaxe : chaque unité lexicale de la classe des invariables est caractérisée par sa capacité à entrer dans un certain nombre de configurations syntaxiques ou constructions.

 Le choix entre ces deux pistes dépend en partie du cadre d’analyse global qui est adopté et par ailleurs de recherches empiriques plus poussées et systématiques sur les divers emplois.


3.2. Analyses sémantiques

Les prépositions ont fait l’objet de nombreuses analyses sémantiques et celles-ci ont joué un rôle important dans les discussions en théorie sémantique et leur ont régulièrement servi de banc d’essai. Cette notice ne se concentrera toutefois pas sur cet aspect qui sera plus profitablement discuté dans le cadre d’étude sur les fondements de la sémantique lexicale. Elle mettra au contraire l’accent sur les aspects qui sont spécifiques aux prépositions ou qui ont un impact particulier sur leur analyse. Elle sera structurée en trois rubriques, traitant (i) de la grille d’analyse en emplois spatiaux, temporels et autres, (ii) de la problématique des prépositions vides et (iii) de la polysémie des prépositions. 

Quant à la terminologie, cette notice fera appel, vu les doutes sur la pertinence de la catégorie préposition comme partie de discours qui ont été formulées en conclusion de l’analyse syntaxique, au pluriel – les prépositions – plutôt qu’au singulier générique – la préposition. Vu que cette notice ne met pas les différentes unités lexicales au centre de la discussion, les développements qui suivent ne visent pas à présenter un bilan des nombreuses propositions et analyses développées pour rendre compte des emplois des diverses prépositions, mais ils se proposent de définir les axes principaux de la recherche.

À l’exception d’un nombre restreint de prépositions peu fréquentes, les prépositions apparaissent dans des contextes extrêmement variés ; elles y manifestent chacune une grande diversité d’acceptions pour lesquelles il n’est pas évident, à première vue, de discerner ce qui relève de l’unité lexicale en elle-même et ce qui est le fruit des interactions avec les éléments du contexte et de la connaissance du monde activée lors de l’interprétation. Dans cette optique, toute description systématique doit commencer par une étude distributionnelle détaillée, telle qu’effectuée dans les travaux de D. Leeman sur en (voir e. a. Leeman 2013, Leeman & Vaguer 2015 et les références qui y sont données) ainsi que dans les études qui s’en inspirent, complétée si possible par l’application de techniques statistiques permettant de déterminer le spectre spécifique de chaque préposition (v. Gréa 2015 pour une illustration). Si certaines prépositions, comme en, dans, entre ou parmi, ont déjà fait l’objet de telles analyses, une telle démarche n’a pas été appliquée de manière systématique à l’ensemble des prépositions ; de nombreuses études s’appuient toujours exclusivement soit sur des données attestées, mais non récoltées de manière systématique, voire traitées sur le plan statistique, ou sur des données construites.

De quelque façon que les données aient été recueillies, le tableau qui en ressort est celui d’une multitude d’acceptions et d’emplois, ce dont témoignent avec éloquence les articles des grands dictionnaires de langue comme le TLF (v. Melis 2003 pour une analyse de l’article sur). Polysémie et sous-détermination du sens, activé par l’interaction avec le contexte, sont dès lors les deux observations fondamentales, mais aussi les difficultés principales, auxquelles la description doit répondre.

La systématisation des données, préalable à leur analyse, est, vu la fréquence d‘emploi et la diversité des contextes qui caractérisent la majorité des prépositions, une tâche ardue. Trois pistes semblent avoir été suivies :

- la première est de considérer chaque préposition en elle-même et d’établir dès lors une analyse spécifique ; comme cette piste n’envisage pas de grille applicable à un ensemble de cas, elle ne sera pas présentée dans la suite de cette notice ;

- la seconde fait appel à une grille de classement générale qui peut être appliquée à l’ensemble des prépositions et permet dès lors une approche plus systématique ; la tripartition en emploi locatifs, temporels et notionnels, qui remonte au moins à Pottier (1962) est la grille la plus communément observée ; elle sera discutée ci-dessous en 3.2.1.;

- la troisième est de procéder à une évaluation de l’étendue des faits de polysémie et d’ordonner les prépositions selon qu’elles sont maximalement polysémiques et dépendantes du contexte, prépositions dites incolores ou abstraites, ou qu’elles disposent d’un poids propre plus important et sont dès lors concrètes ; cette approche est initialement liée au travail de Spang Hanssen (1963) et sera discutée en 3.2.2.


3.2.1. Une grille d’analyse tripartite pour la sémantique lexicale des prépositions

La tripartition en emplois locatifs, temporels et notionnels offre une réponse qui permet un premier classement opératoire et a inspiré, combiné à l’hypothèse de la primauté du domaine spatial, de nombreuses études. Elle soulève cependant, outre les problèmes de reconnaissance et de délimitation, un certain nombre de questions, relatives au statut de ces domaines, à leur couverture et aux relations qui existent entre eux.

La reconnaissance et la délimitation des trois domaines ne peut reposer sur des indices formels, tels les pro-formes. Si où ? peut servir d’indice dans la majorité des cas pour lesquels un locuteur reconnaît un sens locatif, il n’est pas généralisable :

Il dort sur le dos.
Il l’emporte sur les épaules.
Les nuages courent sur le ciel.
Il lève les yeux sur sa mère.
Ils se penchent sur le berceau.
Les maisons sont suspendues sur le vide.
Il vient du bureau.
Il passe par le bureau.

L’interrogation à l’aide de quand ? ne convient pas aux interprétations de type aspectuel :

Il l’a vu pendant les vacances.
Il l’a vu pendant deux heures.

alors que celles-ci sont incluses dans le domaine par la tradition lexicographique ; leur exclusion éventuelle sur la base de l’alternance avec quand ? ou alors implique que les trois domaines ne couvrent pas l’ensemble des emplois.

Quant au domaine notionnel, aucun indice formel ne peut être proposé, ce qui n’est pas étonnant vu l’approche essentiellement négative de cet ensemble, regroupant tout ce qui n’est manifestement ni locatif, ni temporel.

Si des indices formels univoques et d’application aisée font défaut, cela n’implique pas que les domaines, éventuellement redimensionnés ne sont pas pertinents. Il est en effet possible de définir trois cadres d’analyse à partir de propriétés définitoires de nature sémantique ou cognitive. 

Les cadres explicitent trois formes de mise en relation de deux entités A et B, dans la terminologie de Vandeloise (1986) respectivement le site et la cible de la relation. De ce fait, ils conviennent en particulier à un usage syntaxique des prépositions, illustré par les exemples suivants :

Il a déposé le livre sur la table.
Elle viendra à cinq heures.
Il a acheté une montre pour sa fille.

ainsi qu’à une construction analogue en contexte nominal :

le livre sur la table ; l’église à Gentilly

Vu la prémisse d’une relation entre deux termes, il est moins évident que ces mêmes cadres puissent être exploités pour rendre compte d’autres constructions syntaxiques qui ne mettent pas en jeu trois termes liés par un rapport hiérarchique (v. supra).

L’explicitation de la notion de localisation, soit la mise en relation d’un élément à localiser avec un élément dont le lieu est (supposé) donné, fait intervenir au moins trois types de propriétés de nature géométrique (v. e.a. Borillo 1998) qui interagissent : la granularité ou le nombre de dimensions pertinentes, le système de coordonnées impliquant un point de référence et, au maximum, trois axes, vertical, frontal et latéral,

L’arbre est devant / à côté de / derrière / à gauche de la chapelle.

ainsi que l’opposition entre une relation de contiguïté, interne ou externe, et une relation projective :

La carte est sur la table / dans le tiroir. (contigüité externe / interne).
La carte est au-dessus de / sous la table. (relation projective).

À ces propriétés géométriques, il convient d’ajouter des propriétés fonctionnelles (v. Vandeloise 1986), comme ‘support’ dans

Il a entendu cette nouvelle sur les ondes.

Ces propriétés, complétées pour certaines prépositions (p.ex. entre, à travers) par des propriétés spécifiques additionnelles appropriées, permettent de formuler une première analyse des emplois, à condition de prendre en compte les données contextuelles et la connaissance du monde que possèdent les interlocuteurs, tout comme de tenir compte des ajustements et des interactions entre les propriétés.

Pour le domaine temporel au sens large, la difficulté majeure réside dans le fait que les emplois temporels stricts permettent de situer un phénomène par rapport à un moment de référence, alors que les emplois aspectuels ne situent pas, mais quantifient. Formuler une approche unifiée peut toutefois s’appuyer sur l’observation que tant les emplois temporels que les emplois aspectuels exploitent la notion d’intervalle : un phénomène qui s’inscrit dans le temps est mis en rapport avec un ou plusieurs intervalles ou suites de moments. Les propriétés de l’intervalle, tout comme les modes de mise en rapport permettent de formuler une grille d’analyse. Dans le cas des emplois temporels, l’intervalle est repéré, c’est-à-dire inscrit dans la suite ordonnée de moments qu’est le temps chronologique, alors qu’il ne l’est pas dans le cas des emplois aspectuels, qui exploitent uniquement l’intervalle comme ensemble ou quantité de moments. Dans le cas des emplois temporels, les propriétés de l’intervalle repéré, plus précisément les moments initial et final, ainsi que la paire coïncidence / non-coïncidence du phénomène à repérer avec l’intervalle de référence offrent une première grille d’analyse :

Il l’a vu au dîner de l’amicale ; pendant l’été ; avant le 14 juillet ; après la fête nationale.
Il l’a vu il y a trois jours.
Il le fera dans trois jours.

Dans le cas des emplois aspectuels, la variation observée est liée aux interactions entre les propriétés du procès et l’instruction véhiculée par la préposition :

Il l’a fait pendant deux jours / en deux jours.

Ces mécanismes interactifs, en particulier l’interaction avec les formes verbales, ainsi que la connaissance du monde interviennent également dans le cas des interprétations temporelles ;

Je le ferai avant le café / Je l’ai fait avant le café.

Enfin, domaines spatial et temporel sont proches comme il ressort de l’interprétation double de

Il le fera au bureau.

qui répond à la fois à la question quand ? et à la question où ? vu que le groupe au bureau inclut la forme verbale tensée dans sa portée.

Le domaine notionnel semble à première vue être défini de manière négative, rassemblant l’ensemble des emplois qui ne relèvent pas des deux premiers. Une telle approche n’offre pas de fondement solide pour l’analyse ; la redéfinition du domaine en termes de relations argumentatives offre par contre des perspectives plus précises, rendant possible de définir un cadre d’analyse qui sert d’assise aux descriptions plus fines. Deux termes sont reliées par une relation argumentative où A est un argument pour B ; cette relation peut varier selon trois dimensions fondamentales :

- Le statut du terme A : posé dans le monde, posé en discours ou supposé :

Il le fera à cause du bon plan.
Vu le bon plan, il le fera.
À condition de lui proposer un bon plan, il le fera.

- L’argumentation de A à B est validée, comme dans les exemples ci-dessus, ou non :

Quoiqu’auteur d’un bon plan, il ne le fera pas.

- La validation de A à B dépend ou non d’une intentionnalité :

C’est un bon plan pour l’exécution de ce travail.
Il le fera pour te faire plaisir.

Le statut de ces domaines, dont les contours ont été esquissés sommairement ci-dessus, peut faire l’objet de discussions, liées à la nature des théories sémantiques ou cognitives auxquelles les analystes adhèrent et qui ne seront pas présentées ici, mais il est à noter qu’ils sont tous trois autonomes par rapport à la description des emplois des prépositions ; ils peuvent en effet également être mis en œuvre pour décrire d’autres lexèmes, tels les connecteurs argumentatifs ou d’autres faits de langue, comme les marqueurs temporels et aspectuels.

Quoique d’application fort large, la grille tripartite ne permet pas de rendre compte de l’ensemble des emplois attestés. Deux ensembles de faits sont à considérer dans ce contexte.

Il existe en premier lieu un certain nombre de prépositions, comme avec, qui ne font référence à aucun des trois domaines, mais qui opèrent une structuration de l’information, en isolant un aspect spécifique B qui sera associé à l’élément de référence A, soit comme caractéristique mise en évidence, soit comme co-actant ou co-argument :

Il l’a fait avec enthousiasme.
Il l’a fait avec son voisin / avec une pelle mécanique.

Un second ensemble est formé par les nombreux exemples qui ne manifestent pas directement les propriétés d’un des domaines pertinents, mais qui peuvent y être attachés par figure et qui impliquent un certain affaiblissement ou blanchiment des propriétés :

La commission s’est penchée sur la question.
La firme commercialisera un nouveau médicament contre la toux.

Les exemples ci-dessus montrent que l’ajustement peut être induit par une modification des contraintes lexicales ; celui-ci peut résulter en un figement à divers degrés :

La discussion a mis le doigt sur la plaie. (figure motivée et isomorphique)
Les spectateurs se tapent sur les cuisses. (figure motivée, mais non isomorphique)
Ils se mettent sur leur trente et un. (figure non motivée, mais isomorphique)
Il est monté sur ses grands chevaux. (figure ni motivée, ni isomorphique).

Les ajustements peuvent également être induits par des contraintes syntaxiques ou discursives, comme il ressort de la comparaison entre :

Pierre a rencontré Marie par hasard.
Auriez-vous par hasard vingt euros à me prêter ?

La double interprétation de Il travaille à la maison relève d’un mécanisme analogue, sans toutefois impliquer une adaptation fondamentale de l’acception ; on observera d’ailleurs que dans le cas de la portée large, l’article défini et le singulier sont de rigueur, ce qui n’est pas le cas si à la maison a une portée étroite :

Il travaille à une / sa maison ; aux maisons de ce quartier.

La grille tripartite se révèle dès lors capable de rendre compte de certaines extensions de cas ; sa puissance explicative peut encore être étendue par la prise en compte de l’hypothèse localiste. Celle-ci part de la primauté du domaine spatial et considère que les deux autres domaines sont dérivés directement, domaine temporel, ou par l’entremise de ce dernier, domaine argumentatif, du domaine de base qu’est le domaine spatial. Une telle hypothèse semble convenir dans de nombreux cas, mais elle ne peut être généralisée, vu que certaines prépositions, comme pendant, ne disposent d’aucun emploi spatial et que dans des cas tels que,

Vous le trouverez après l’église.

semblent relever de la dynamique inverse, du domaine temporel au domaine spatial.


3.2.2. De la couleur des prépositions

La grille tripartite traite, en principe, les diverses prépositions comme des lexèmes équivalents. Les études distributionnelles, et en particulier les travaux de Spang Hanssen (1963) ou de Bartning (1993), montrent que certaines prépositions particulièrement fréquentes peuvent venir se substituer aux prépositions moins fréquentes. Ils montrent en plus que ces dernières semblent être plus riches en propriétés sémantiques que les premières, d’où l’hypothèse qu’il existe d’une part des prépositions ‘incolores’ ou plus faibles et abstraites et d’autre part des prépositions pleines ou plus fortes et concrètes. Cette observation, validée par les descriptions, demande à être complétée par une seconde interprétation de la paire incolore / pleine : le contraste s’observe également si l’on considère les divers emplois d’une seule préposition ; ainsi on opposera un emploi plein et un emploi incolore des prépositions de ou sur :

Il vient de la ville.         Il parle de la ville.
Il monte sur le toit.        Sur ce point, il est peu précis.

L’hypothèse d’un continuum incolore / plein permet en outre d’esquisser les contours d’un système des prépositions, ordonnant les prépositions selon qu’elles se rapprochent ou peuvent se rapprocher du pôle incolore. De apparaît ainsi comme la préposition la plus apte aux emplois incolores, la préposition la plus abstraite, suivie de à et de en ; des prépositions comme dans, sur, par ou pour constitueraient un ensemble suivant, alors que chez,  hors, malgré, sauf ou selon se situeraient encore plus loin du pôle ; de nombreuses locutions comme à côté de, à gauche de, à condition de, sous peine de peupleraient le pôle opposé. Une telle vue d’ensemble offre des perspectives intéressantes pour la comparaison de langues, comme le montre déjà l’étude de Brøndal (1950) qui caractérise, à l’aide d’un ensemble limité de propriétés logico-sémantiques les prépositions centrales de nombreuses langues et qui propose, en conclusion, que le français possède un système de prépositions caractérisé par une nette hiérarchie de niveaux d’abstraction. Des études de corpus traduits, tel Melis (1998b) pour la préposition avec et son équivalent en néerlandais met, corroborent cette conclusion : si avec se traduit majoritairement en néerlandais à l’aide de met, l’inverse n’est pas vrai : à, plus proche du pôle incolore, est l’option préférée, chaque fois que la substitution d’une forme pleine par une forme incolore est possible.

L’hypothèse qu’il existe des prépositions incolores soulève toutefois une question théorique importante relative à l’existence de prépositions vides, comme le suggère le titre de l’étude de De Boer (1926) et par extension de lexèmes vides de sens. L’existence de contrastes interprétatifs entre des paires telles que

Ils habitent le quartier / dans le quartier.
Ils touchent le but / au but.
La méthode Jérôme / de Jérôme.

tout comme entre les diverses acceptions de croire suivi d’un groupe nominal nu ou d’un groupe introduit par à ou en, montre que la présence d’une préposition est significative et qu’elle est donc porteuse de sens, même s’il est parfois difficile d’en cerner la valeur précise. La présence d’une préposition semble iconique, signalant que le lien entre les autres termes est médiatisé et donc restreint par la préposition. Dans le cas limite représenté par de nombreuses configurations N de N :

le mal de mer, le livre de chevet, ce coquin de valet, la photo de Paul

la préposition semble être le signal d’une relation qu’elle ne spécifie pas, mais qui peut l’être grâce aux données contextuelles et aux connaissances du monde activées dans l’interaction (v. e.a. Bartning 1993).


3.2.3. L’unité sémantique et la polysémie des prépositions

Pour rendre compte de l’unité de chaque préposition sur le plan sémantique, les études font appel à deux types d’approches ; la première est horizontale et elle consiste à définir un réseau organisé par ressemblance de famille ; la seconde est verticale : les divers effets de sens observables sont conçus comme le produit de l’interaction entre un sens constant, mais abstrait et les contraintes co- et contextuelles (v. e. a. Cadiot 1997). Le choix entre les deux approches dépend dans une large mesure du cadre théorique adopté.

L’approche par polysémie horizontale procède en deux étapes fondamentales. Il s’agit en premier lieu de dégager, à partir d’une analyse des emplois observés, des traits qui caractérisent chacun des emplois et, en second lieu, de montrer comment ces emplois sont liés entre eux par activation ou désactivation des traits ou par figure et extension à partir des traits fondamentaux.

La façon de procéder peut être illustrée sommairement à l’aide du cas de sur (v. Melis 2003 : II. 4.1). Les traits posés sont [+/- contact] et [+/- support] ; il est également fait appel aux trois domaines : espace, temps et argumentation. Pour le domaine spatial, les trois combinaisons possibles sont illustrées par les exemples suivants :

Le livre sur la table      [+ contact, + support]
La ville sur la rivière    [+ contact, -  support]
Le poste sur le câble     [-  contact, + support]

Quant au domaine temporel, on note tant la combinaison [+ contact, - support] dans Il l’a vu sur le coup de midi avec une interprétation chronologique que la combinaison [- contact, + support] : Elle a placé trois rendez-vous sur une heure ayant une interprétation aspectuelle.

L’emploi argumentatif

L’enquête a été ouverte sur l’avis du juge compétent.

Réalise également la combinaison [+contact, + support].

Divers autres emplois peuvent être rattachés à ces premiers soit par précision de certains traits, soit par figure. Le premier cas s’observe dans l’exemple

La route longe la rivière sur quelques kilomètres.
[+ contact, - support, avec précision de l’étendue du contact]

Alors que le second se rencontre dans

La conversation a porté sur l’actualité médicale. [-contact, + support par figure].

Outre le recours au mécanisme des figures, les liens entre les divers emplois peuvent être mis en évidence soit par les recouvrements entre les domaines liés à des phénomènes de portée :

Il l’a rencontré sur la place.                      Espace et temps
Sur ces mots, il a quitté la réunion.          Temps et argumentation

La procédure qui a été illustrée de manière simplifiée possède un fort pouvoir organisateur et une grande souplesse, ce qui la rend apte à rendre compte des multiples usages des prépositions. Elle peut en plus non seulement être appliquée à un ensemble de données synchroniques, mais peut servir à systématiser le développement des emplois et dès lors être un outil puissant pour l’analyse diachronique. Elle soulève cependant également des questions et manifeste certaines faiblesses. La faiblesse majeure réside dans le fait qu’il ne semble exister aucun frein à l’expansion du réseau, en particulier grâce aux figures et extensions. Il existe cependant des limites à l’extension, limites que l’analyse de prépositions proches permet de mettre en évidence :

Il l’a rencontré dans la rue / sur la place.
Il faut trancher le rôti au couteau / avec un couteau effilé.

Le premier exemple peut en principe être résolu par le recours à des traits plus spécifiques, soit au niveau de la préposition, soit dans l’analyse des noms, mais cette piste réduit le pouvoir explicatif de l’approche et risque d’aboutir à des descriptions ad hoc. Le second exemple soulève un problème plus ardu lié à l’existence des contraintes formelles, ici la présence ou non d’une détermination qualitative du nom : or, ce type de contraintes semble échapper aux mécanismes qui régissent la formation du réseau.

Les questions que soulève l’approche par polysémie horizontale concernent la dynamique qui organise le réseau. Habituellement, il est fait appel à une approche localiste ; les emplois spatiaux, s’ils existent, constituent le centre de gravité du réseau ; pour les prépositions sans emploi spatial central, telles après ou malgré, un autre domaine peut servir de centre de gravité. Cette notion de centre de gravité est peu claire : s’agit-il de l’emploi le moins contraint, le plus riche en traits, le plus concret, c’est-à-dire lié à la perception, le mieux connecté aux autres emplois dans le réseau, le plus fréquent, le plus ancien ? ou le centre de gravité est-il déterminé à partir de caractéristiques extra-linguistiques, d’ordre cognitif ?

Répondre à la question présuppose une prise de position théorique qui demande à être explicitée ; en outre, certains critères ne sont pas indépendants de la manière dont la description est établie, vu qu’il est par exemple possible de définir plusieurs voies pour connecter les emplois dans le réseau, et les divers critères possibles ne convergent pas nécessairement, comme le montre le cas de la préposition à (v. Goyens & al. 2003). Cette préposition est, à l’origine, spatiale, mais les emplois régis, sous la dépendance d’un verbe, sont plus fréquents et moins contraints. Enfin, la notion de sens commun s’efface en quelque sorte devant celle de réseau aux effets variables. Quelles que soient les difficultés rencontrées par l’approche horizontale de la polysémie, elle demeure, comme instrument heuristique, un instrument efficace en vue de la cartographie des multiples usages d’une préposition.

L’approche verticale de la polysémie part de l’hypothèse que toute préposition possède un noyau sémantique stable qui informe chaque emploi observable ; ceux-ci sont le produit d’interactions entre le contexte – verbal, co-textuel et situationnel – et ce noyau plus abstrait. Ce noyau peut prendre la forme d’une signification ou configuration schématique ou d’une instruction qui régit les emplois en discours. Reprenant l’exemple de sur, on pourra proposer, par exemple, un schéma configurationnel ^ et une instruction qui stipule qu’en emploi relationnel – c’est-à-dire impliquant deux termes – le site sert d’appui à la cible. Les propriétés du domaine activé, par exemple l’espace, et les informations additionnelles fournies par le lexique mis en œuvre, le contexte syntaxique, sémantique et discursif et les savoirs partagés concrétisent ce schéma et ainsi se construit l’effet de sens observable. Le schéma offre dès lors une description sous-déterminée, mais qui sert de base suffisante à une opération de détermination ultérieure. Ce schéma doit à la fois être suffisamment puissant pour engendrer les effets de sens et suffisamment faible ou indéterminé pour laisser aux interactions  la latitude qui leur est nécessaire. En plus, le schéma doit être différentiel, permettant de rendre compte des oppositions entre prépositions, et flexible afin de faire justice d’une part à la neutralisation de certaines oppositions et d’autre part au fait que les oppositions ne concernent pas toutes la même dimension du schéma. Quelques exemples relatifs au trio à / de / en illustrent la complexité de la tâche :

Un verre à vin / un verre de vin
Il vient à la maison / de la maison
Une robe en coton / de coton.

Comme certaines prépositions ont fait l’objet de nombreuses études adoptant diverses positions possibles, qui sont également tributaires de prises de positions plus générales quant à la nature du sens en langue, l’examen de ces travaux permet de mieux comprendre les démarches et d’en évaluer les apports. Un cas exemplaire est constitué par la préposition en ; on se reportera à ce propos à deux numéros thématiques Vigier (2013) et Kahloul (2015) qui permettent de faire le point et de saisir les développements de l’analyse à partir de travaux plus anciens.

L’approche par polysémie verticale permet de traiter les différentes prépositions de manière systématique, appliquant les mêmes principes tant pour la mise en place des schémas abstraits que pour le calcul des effets de sens ; Lang (1991) propose ainsi une analyse des prépositions simples du français, ainsi que des préfixes homophones, en appliquant systématiquement les principes proposés par Pottier (1962).

L’approche verticale de la polysémie offre une réponse partielle aux problèmes que pose l’approche horizontale dans la mesure où elle évacue la problématique du centre de gravité et qu’elle présente une analyse plus stricte des interactions qui interviennent lors de la détermination des effets de sens. Par sa composante différentielle elle permet également une réponse de principe à la question des limites du champ d’expansion des emplois. Le recours à une caractérisation schématique abstraite fait cependant surgir d’autres difficultés.

La première concerne le degré d’abstraction auquel le spectre fort large des emplois de prépositions fréquentes telles que à, de ou en oblige l’analyste ; la question est de savoir si le résultat parvient à concilier les exigences de spécificité et de généralité, tout en rencontrant l’intuition du sujet parlant et en proposant un sens de base, à moins d’avancer que le schéma est, non un sens de base, mais un invariant rassemblant les principes de variation (Franckel 2002).

La seconde est relative à l’évolution et à la dynamique des sens : il existe une tension entre le caractère stable du noyau et le fait que la langue évolue et la question est de savoir sous quelles conditions on conclura que le noyau est modifié et comment il convient de concevoir ce changement : sera-t-il abrupt, ce qui pose la question de la continuité du signe, ou progressif, ce qui peut mener à mettre en cause la stabilité du schéma ? Un des dangers dans la pratique de l’analyse est que la stabilité du noyau introduit un biais historisant : le sens le plus ancien tend à être pris comme modèle pour le schéma, même s’il s’est effacé ou est devenu périphérique au cours de l’histoire.

Le recours à une représentation par schémas abstraits impose également une prise de position quant au statut du schéma : relève-t-il de la langue (p. ex. Guillaume 1919) et est-il dès lors spécifique à cette langue ou ressort-il à une composante externe, d’ordre logique ( p. ex. Brøndal 1950), cognitive (Cadiot 1997) ou expérientielle (Pottier 1992) ? Dans cette dernière optique, la question des ressemblances et des différences entre langues surgit : l’existence de nombreuses paires de prépositions comme fr. contre, angl. against ou avec / with) peut servir d’argument en faveur d’une conception universaliste, mais le fait que ces paires sont imparfaites oblige à nuancer cette vue et à accepter que chaque langue encode la composante externe de manière spécifique.

Les études sémantiques, quelle que soit leur orientation, s’appuient toutes sur une seule configuration syntaxique – la construction relationnelle hiérarchisée, [X [Prép [Y]]Gprép] – et impliquent dès lors que la préposition, en tant que catégorie, est un élément de relation. Or, l’analyse syntaxique a montré que cette vue est trop restreinte et qu’il existe un ensemble bien plus diversifié de constructions dans lesquelles une préposition peut apparaître. Il importe dès lors de dégager la sémantique de chaque configuration syntaxique et de mettre en évidence comment celle-ci interagit avec la sémantique lexicale des différentes prépositions.


3.3. Analyses diachroniques

Le chapitre 32.1 de la Grande grammaire historique du français offre une description détaillée de l’évolution de la catégorie préposition et des prépositions du latin au français actuel (Fagard 2020). La notice se limite à mettre en évidence ci-dessous certains phénomènes frappants.


3.3.1. De la préposition comme catégorie aux prépositions

Du latin au français l’inventaire, les emplois et les effets de sens des prépositions ont connu des modifications importantes ; le changement le plus important concerne toutefois la relation avec la catégorie du cas. En latin, la préposition est un invariable qui régit le cas. Cette propriété constitue le fondement pour la reconnaissance dans cette langue, tout comme dans toute langue qui connaît la même configuration, de la préposition comme partie du discours. La rection casuelle établit un lien étroit entre la préposition et les catégories nominales. Pour certains analystes il en découle que la préposition peut être vue comme une catégorie grammaticale auxiliaire du nom ; cette interprétation a laissé des traces dans la tradition grammaticale française alors que les cas ne subsistent dans la langue que sous la forme de traces (il, le, lui) ; l’on trouve ainsi assez couramment à l’époque classique et encore dans la grammaire d’Ayer (1885)  un tableau de déclinaison dans lequel à et de, les prépositions au rôle fonctionnel le plus clairement marqué, sont traités comme des marques casuelles du nom, respectivement au datif et au génitif.

L’effacement progressif des cas en latin et lors de la lente mutation vers le français éliminera cette caractéristique discriminante de la catégorie préposition des faits de langue. Dès l’ancien français, les prépositions ne régissent plus le cas ; elles se construisent invariablement avec le cas dit régime. De ce fait le fondement pour la reconnaissance de la préposition comme catégorie morpho-syntaxique disparaît ; les prépositions sont à reverser, de ce point de vue, dans une catégorie plus large, celle des invariables.

La disparition du cas a également mené à l’élargissement du spectre d’emplois des prépositions : leur emploi pour introduire le complément du nom ou de l’adjectif et pour les compléments du verbe qui ne correspondent pas à l’accusatif du latin peut être interprété comme une forme de compensation de la disparition des cas. Cette extension du spectre syntaxique des prépositions, commencée en latin, s’est réalisée progressivement, comme en témoigne la concurrence entre les constructions N de N, N à N et N+N pour exprimer la possession en ancien français :

Le fils le roi / au roi / du roi

Il subsiste d’ailleurs toujours quelques constructions syntaxiques sans préposition qui ne peuvent pas être considérées comme des manifestations du complément nominal direct :

Je le vois tous les jours.
Il habite rue Boissot.


3.3.2. L’inventaire des prépositions simples

En français moderne, les prépositions simples les plus fréquentes prolongent des prépositions latines : ab, ad, de, in... ont évolué vers à, de, en…, avec des convergences et des évolutions, parfois complexes. Certaines prépositions latines, comme cum, ex, ob… ont disparu au cours de l’histoire ; d’autres telles que prae et propter ont également disparu, mais ont semble-t-il connu un phénomène d’absorption par des prépositions senties comme proches, par et pour, comme il ressort des traductions interlinéaires du XIIe siècle (Melis 1976). Au cours de l’histoire du français d’autres prépositions se sont perdues ou sont devenues marginales : atot, od, fors, deçà, delà, dessous, dedans

En outre, de nombreuses prépositions, qui semblent actuellement simples ou inanalysables, sont, en réalité des produits soit de dérivation, soit de composition :

Après, avant, avec, dans, devant, depuis, derrière, devers, envers, malgré, parmi, …

On notera en plus quelques emprunts, tel via ou because / bicoze, emprunt dont Fagard (2006) souligne le caractère marginal et peut-être éphémère.

Le registre fournit un accès direct à tous les documents via un moteur de recherche sophistiqué.
On a maigri depuis trois semaines bicoze le travail intensif qui coupe souvent l'appétit. (A.M. Pol, Danse / Tout commence.)

Ces mécanismes ne permettent pas de rendre compte de la majorité des prépositions. Deux voies sont bien plus productives : le changement de catégorie d’une part et la formation de locutions d’autre part. De nombreuses prépositions ont pour origine une unité lexicale qui appartient au départ à une autre catégorie. Fagard (2006) propose une systématisation de ces changements en termes de chaînes de grammaticalisation ; il distingue sept chaînes attestées en le français :

- Nom relationnel – préposition         (lat. latus – anc. fr. lez)

- Nom – construction génitive – préposition     (lat. casa – fr. chez)

- Adverbe – préposition             (lat. postius – anc. fr. puis – fr. depuis)

- Verbe au participe passé – préposition       (passé, vu, attendu, excepté)

- Verbe au participe présent – préposition       (pendant, durant, moyennant)

- Adjectif – préposition            (sauf)

- Collocation – préposition            (hormis, malgré)

Certaines formations combinent deux chaînes : nonobstant est ainsi formé à partir d’un verbe au participe présent et de la négation, formant dès lors aussi une locution ; une analyse analogue est à prévoir pour ci-inclus ou y compris. Il serait également possible de définir une chaîne additionnelle pour rendre compte de il y a et voici qui connaissent des emplois comme prépositions, à moins de les traiter comme des collocations. Ces dernières sont par ailleurs proches des locutions prépositionnelles qui seront évoquées ci-dessous.

La grammaticalisation comme mécanisme explicatif de l’évolution semble incontestable ; il convient cependant d’attirer l’attention sur quelques phénomènes qui obligent à nuancer la thèse de l’unidirectionnalité de ce mécanisme. On note non seulement la nominalisation de certaines prépositions comme le pour et le contre, mais aussi des va-et-vient complexes entre préposition et nom dans des suites telles que au-dessous de, au-devant de, au-dessus de (v. plus bas). En plus, un adverbe comme très a pour origine la préposition latine trans ; l’évolution va, dans ce cas précis, dans le sens inverse de celui qui est proposé dans la troisième chaîne ci-dessus.


3.3.3. Les prépositions complexes

À cet ensemble d’unités lexicales ou lexicalisées et dont la structure interne ne semble plus perceptible s’ajoutent de nombreuses locutions qui, ne fût-ce que sur le plan orthographique, sont ressenties comme des unités construites et, plus ou moins, analysables. D’un point de vue formel, on peut dresser la typologie suivante :

- Structures comportant un nom

N P                                 face à, histoire de
P N P                              à côté de, en face de
P art.déf. N P                  au bord de, à l’occasion de, dans l’axe de

- Structures comportant une forme verbale

P Inf P                             à partir de
P ce relative                    en / pour ce qui concerne, pour ce qui est de

- Structures comportant un adjectif

(le) Adj  P                       le long de, quitte à
P (le) Adj  de                  au plus profond de

- Structures comportant un adverbe

Adv de                             lors de, antérieurement à
P Adv                               à même

- Structures comportant une préposition

P P                                    d’après
N1 P N1 P                         vis-à-vis de

Quelques types sont plus complexes :

À raison de X par Y
À X près que…

Tout comme la série constituée par au / par-dessus de, au / par dessous de, au-devant de et tournures analogues qui comportent un nom qui a son tour est formé à partir d’une préposition ou adverbe.

Outre le type de noyau qui a servi de principe organisateur pour le tableau ci-dessus, on peut également tenir compte de la présence ou absence de préposition initiale ou finale ; dans ce dernier cas seuls à et surtout de sont productifs ; les exceptions sont rares : par égard pour. Pour certains auteurs (cf. supra), la préposition finale ne fait d’ailleurs pas partie de la locution, mais elle introduit le complément de cette dernière. Stosic (2023) propose une synthèse des critères proposés et des propriétés pertinentes et met en évidence le caractère multi-dimensionnel de l’ensemble ; les annexes présentent un ensemble de 660 locutions et un classement selon les principaux paramètres formels et sémantiques

Si le nombre de prépositions lexicales simples ou opaques est relativement réduit, l’inventaire des locutions est donc très large ; en plus il est difficile de clore la liste, d’une part parce qu’elle semble être ouverte et d’autre part parce que le degré de figement des locutions varie et qu’il s’installe ainsi un continuum entre unités syntagmatiques et locutions plus ou moins figées. Diverses dimensions peuvent être prises en compte :

- La conformité avec les structures régulières ou la non-conformité:

Au bord de vs. à côté de (avec un nom non déterminé)

- La possibilité ou l’impossibilité d’inclure des expansions dans la locution

Aux environs (immédiats) de vs. À l’opposé de

- L’existence de variantes :

au moment de / à l’instant de

- Le blocage ou non de certaines propriétés transformationnelles

À hauteur de, en dépit de, au détriment de
Sous le prétexte de / Sous quel prétexte ?
à l’occasion de / à cette occasion

Enfin, on notera qu’il existe une dynamique liant certaines locutions et certaines prépositions simples formées à partir du nom qui sert de noyau à la locution :

Au niveau des prix / niveau des prix / niveau prix, ceci est très intéressant.

Ceci suggère qu’une des voies menant à l’usage de noms comme prépositions passe par la formation d’une locution. Dans d’autres cas, cela ne semble cependant pas être le cas :

Question tourisme, la rive droite du Lison a plus à offrir que la rive gauche.

Les prépositions complexes ont fait l’objet de nombreuses études d’ensemble tant du point de vue synchronique que dans une perspective diachronique, ainsi que d’un nombre important d’études consacrées à des unités spécifiques ; on verra Stosic, Bras, Minoccheri & Abrard (2023) pour une synthèse.

La complexité des rapports entre les divers mécanismes qui sous-tendent la formation des prépositions se manifeste clairement dans deux séries de cas : la formation de prépositions sur le modèle Prép. + Prép. ainsi que celle des formes complexes construites à partir de prépositions telles que dans, sur ou sous.

Outre des prépositions complexes de formation ancienne comme envers, le français dispose de formes plus transparentes telles d’après ou par devant qui peuvent fonctionner sur deux modes :

- Combinaison de deux prépositions [ P1 [ P2 [ X ]]] :

Cette mosaïque date d’après la chute de l’Exarchat de Ravenne.
Le train passe par devant l’école.

- Préposition complexe :

D’après des sources dignes de foi, cette rumeur n’a aucun fondement dans les faits.
Nous avons combattu de si ferventes guerres par devant le Seigneur et le Dieu des armées. (Péguy).

Dans le second cas, l’intégration est avancée et le sens ne peut être obtenu de manière compositionnelle.

Ces deux configurations doivent être distinguées de la configuration dans laquelle le premier terme est un modifieur, intensifiant ou paradigmatisant, de la préposition comme dans :

Il y a un arbre par devant vous.

Il existe des cas intermédiaires entre cette troisième configuration et les locutions :

L’acte a été passé par devant notaire le 20 octobre 1997.
Est-ce vraiment interdit (de) par la loi ?
De par sa situation géographique, le grand-duché de Luxembourg est un pays où se croisent les influences de nombreux pays.

Dans ces deux cas, la seconde préposition semble être le noyau, la première pouvant être omise. La situation inverse s’observe cependant également :

Au jugement dernier, le Christ séparera les bons d’avec les méchants.

Enfin, il existe des complémentarités dans la distribution de la forme complexe et de la préposition simple, soit sur des bases formelles, soit sur des bases sémantiques :

La plupart de nos voisins / la plupart d’entre eux.
Il est allé jusqu’à la maison. / Il est allé à la maison.

Les prépositions complexes du type au-dedans de, en dedans de, de dedans ou au-dessus de, en dessus, par-dessus et en dessous de, de dessous, par-dessous, en dehors de sont encore plus complexes (v. Berthonneau 1999 et Melis 2003 : III. 1.3.). Le terme noyau remplit au moins trois rôles : nom, préposition ou invariable anaphorique ou déictique :

Un dessus de table, les dessous de cette affaire, le dedans et le dehors

Votre disposition est donc de n'être ni d'un côté ni de l'autre. Au regard de M. l'Archevêque : de n'être ni dedans ni dehors l'Église. (Montherlant in TLF s.v.)

Toi, si je te connaissais pas comme je te connais, tu aurais déjà ma main, dessus la gueule... (Malraux in TLF s.v. )

Il y avait dessous la porte une épaisse barre d'argent (Giono in TLF s.v. ).

Il a vidé le premier tiroir et a rangé les documents dedans.
Il a débarrassé la table, et a posé le bouquet dessus et la boîte dessous.
Importuné par les questions, il a dit au visiteur impoli : « Dehors ! ».

Les trois emplois sont liés, mais ne se recouvrent pas entièrement et il est peu clair comment les locutions sont liées à cet ensemble. En plus, celles-ci sont elles-mêmes diverses ayant des usages transparents et opaques :

Il habitait à l’étage au-dessus de nous.
Il s’est élevé au-dessus de la médiocrité.
Il se croyait au-dessus de ses voisins.

Enfin, dans certains cas la locution peut apparaître sans complément et avec ou sans effet de sens anaphorique :

Il habite au-dessus.
Il a les yeux en dedans.
Sa manière d’être tout en dedans.

Les observations rassemblées ci-dessus montrent que les prépositions forment un ensemble complexe, dynamique et ouvert : tant au niveau de l’inventaire qu’en ce qui concerne les configurations syntaxiques. Il faut en outre signaler que chaque unité lexicale a un profil propre dans ces deux dimensions.

Avant de clore cette section, il convient de considérer une autre forme d’extension, l’usage de prépositions dans la formation d’unités lexicales complexes. Les travaux d’Amiot et de Van Goethem (v. e. a. Amiot 2006 et Van Goethem 2009) montrent qu’il existe plusieurs configurations dans lesquelles apparaissent des éléments lexicaux qui fonctionnent par ailleurs comme des prépositions en syntaxe. Globalement parlant, il est utile de distinguer des emplois dans lesquels l’élément intégré dans une unité lexicale complexe fonctionne comme un relateur et des emplois dans lesquels il sert de modifieur.

Le premier type connaît diverses variantes :

- Formation d’une unité complexe à partir de la suite préposition + complément : Pourboire, sous-main, embouteiller, emprisonner ;

- Formation d’une unité complexe à partir de la suite tête + préposition, le complément pouvant être réalisé dans la dépendance de l’unité : Souligner (un mot) ; enfilade ;

- Formation d’une unité complexe formée à l’aide d’une préposition à lier à un élément externe : Surveiller un malade ; surveillance d’individus suspects. ; parcourir la plaine.

Dans le second type de cas, l’élément intégré porte sur le noyau de l’unité complexe et le modifie :

Appauvrir, embellir, entrevoir ; parfaire ; parfait ; sous-estimer ; surestimer ;
sous-classe ; surhomme ; suraigu.

Les premiers exemples représentent des cas de formation lexicale à partir de configurations en syntaxe ; ils se situent dans le prolongement des emplois comme préposition ; les seconds sont certes liés aux emplois comme préposition dans une perspective diachronique, mais ils s’en écartent sensiblement tant du point de vue syntaxique qu’en ce qui concerne la sémantique. Ces emplois comme préverbes constituent dès lors un ensemble particulier dont les rapports avec les autres emplois des mêmes unités formelles est à préciser pour ce qui est de la constitution des classes d’unités et des configurations dans lesquelles ils peuvent fonctionner. En plus, ces quelques exemples montrent que la question de la frontière entre syntaxe et morphologie liée à celle de l’existence d’une éventuelle zone intermédiaire doit être posée, même si le français ne connaît pas le phénomène des particules séparables caractéristique de certaines langues comme le néerlandais :

Hij loopt de tuin door. Litt. Il court le jardin par / il parcourt le jardin.

Ce phénomène implique qu’il existe une zone où morphologie lexicale et syntaxe se recouvrent.

 


4. Bilan 


Les conclusions de l’analyse syntaxique (v. 3.1.5) ouvrent la discussion sur la pertinence de la catégorie préposition et partant sur l’ensemble des catégories ou parties du discours caractérisées par l’invariabilité. Elles impliquent d’une part des études plus détaillées et systématiques sur les diverses configurations ou constructions dans lesquelles les invariables peuvent apparaître et en particulier leur caractérisation tant syntaxique que sémantique et discursive. D’autre part, elles obligent à reconsidérer les études sur certaines unités lexicales à spectre d’emploi large afin de traiter l’ensemble des emplois dans cette perspective plus large et à développer un inventaire raisonné des emplois qui croise propriétés lexicales et contextes grammaticaux.

 


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